DROITS DE L’HOMME EN COTE D’IVOIRE : LE MINISTRE GNENEMA EXPLIQUE LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT
lundi 16 avril 2012
M. Gnénéma Mamadou Coulibaly, ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques, était l’invité des « Matinales du gouvernement », le lundi 16 avril 2012 au Plateau.
Les échanges avec la presse nationale et internationale, ont porté sur le thème « Politique des Droits de l’Homme et garantie des Libertés publiques en Côte d’Ivoire ». À l’occasion, le ministre a fait l’état des lieux sur la situation des droits de l’homme jusqu’au 11 avril 2011. Il a présenté le bilan des actions de son ministère et situer sur les perspectives en matière de Droits de l’Homme.
Pour M. Gnénéma Coulibaly, le problème en Côte d’Ivoire c’est que beaucoup ignorent les Droits de l’Homme. À ce titre la politique est donc de former, d’informer et de sensibiliser les citoyens sur la question. A savoir les Forces de sécurité, les leaders d’opinions, les religieux, les élèves, les média, etc. Car l’objectif du Président de la république et du gouvernement est de faire de la Côte d’Ivoire un Etat de Droit et de démocratie. D’autant plus qu’il n’est pas possible d’être un pays émergent à l’horizon 2020 si les Droits de l’Homme ne sont pas assurés. Pour réussir cette quête, le ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques a exhorté les médias à jouer leur partition quant à la promotion, au respect et à la défense des droits de l’Homme. Pour ce faire il a annoncé un séminaire de formation à leur intention dans les jours à venir.
Mme Anne-Marie Konan-Payne, directrice du Centre d’information et de Communication gouvernementale (CICG), qui initie les « Matinales du gouvernement », a elle aussi exhorté les média à être des relais efficaces en matière des Droits de l’Homme. Elle a émis le vœu de pourvoir former des journalistes spécialisés en Droits de l’Homme.
Lire ci-après son exposé liminaire du ministre des Droits de l’Homme et des Libertés publiques
« Dans son ouvrage « Du contrat social », le philosophe français Jean Jacques Rousseau établit qu’une organisation sociale "juste" repose sur un pacte garantissant l’égalité et la liberté entre tous les citoyens et pour ce faire, chacun doit renoncer à son individualisme pour atteindre la liberté civile.
Cette idée selon laquelle chacun doit concéder une partie de ses droits afin de permettre aux autres de pouvoir jouir des leurs est communément acquise. On parle ainsi de droits et devoirs.
Le peuple ivoirien a consacré ce « pacte » en se dotant d’un important dispositif normatif et institutionnel pour garantir la protection et la promotion des droits de l’homme dont la clé de voûte est la Constitution du 1er aout 2000 qui consacre 22 articles aux questions relatives aux droits de la personne et 6 autres à ses devoirs.
La Constitution du 1er aout 2000 renforce les droits civils et politiques et élargit le champ et l’horizon de ces droits en réaffirmant les droits de la solidarité et les droits économiques et sociaux.
Le préambule de cette Constitution, réaffirme l’irréductible attachement de la Côte d’Ivoire aux idéaux proclamés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Par ailleurs, la Côte d’Ivoire est partie à la quasi-totalité des principaux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme et dispose d’un large éventail de lois et règlements.
Ces rappels ont pour objet d’indiquer que le peuple de Côte d’Ivoire est depuis longtemps attaché à la promotion et à la protection des Droits de l’Homme au point d’en faire une obligation constitutionnelle.
S’il existe plusieurs mécanismes institutionnels qui interviennent dans la mise en œuvre de la politique des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, il importe d’indiquer que cette tâche incombe au sein du pouvoir exécutif au Ministère des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques, créée par décret n° 2011-101 du 1er juin 2011, portant nomination des membres du Gouvernement.
Parfois rattachée au Ministère en charge de la Justice ou parfois en département ministériel autonome, les Droits de l’Homme ont toujours fait l’objet d’une attention plus ou moins soutenue.
La réapparition en tant que département ministériel dans le Décret n° 2011-101 du 1er juin 2011, portant nomination des membres du Gouvernement résulte de la volonté du Président de la République de faire de la Côte d’Ivoire un Etat de Droit démocratique, respectueux des droits de la personne.
Elle se justifie également par l’état catastrophique des droits de l’homme et des libertés publiques qui tire son origine de l’absence véritable d’une politique de protection des droits humains qui a illustré la dernière décennie, avec pour pic la crise postélectorale de 2010.
Au regard du Décret n° 2011-118 du 22 juin 2011, portant attributions des membres du Gouvernement, ledit ministère a pour missions :
• promotion et la défense des droits de l’Homme et des Libertés Publiques
• création d’un cadre de lutte contre l’impunité
• suivi de l’application de la législation et de la règlementation relatives aux Droits humaines
• étude des projets de textes législatifs et réglementaires, des projets de conventions internationales relatives aux Droits de l’Homme ainsi que leur mise en œuvre
• conception, planification et exécution des programmes d’éducation et de formation en matière des Droits de l’Homme
• élaboration et mise en œuvre d’une politique d’assistance juridique en vue de la protection et de la défense des droits des malades du VIH/SIDA.
• Suivi du respect des engagements internationaux relatifs aux droits des réfugiés, des apatrides et des personnes déplacées internes et des victimes de catastrophes naturelles
• promotion de l’assistance judiciaire en liaison avec le Ministre en charge de la justice
Afin de réaliser ses missions, ce ministère s’est doté, outre le Cabinet et les services qui y sont rattachés, de trois directions opérationnelles qui sont :
• La Direction de la Promotion des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
• La Direction de la Protection des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
• La Direction de la Réglementation, des Etudes et de la Planification.
En outre, le Ministère assure la tutelle technique de la Commission Nationale des Droits de l’Homme de Côte d’Ivoire et de la Commission Nationale d’Enquête.
I. DÉFINITION DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS PUBLIQUES
Les Droits de l’Homme
Il est important de rappeler que c’est en Afrique, considérée à juste titre comme le « Berceau de l’Humanité », que ce sont manifestées les premières volontés de respect des droits de l’Homme. En effet, au 13ème siècle, soit plusieurs siècles avant l’adoption de la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen ou encore avant l’Habeas Corpus britannique, l’Empire Mandingue proclamait notamment la sacralité de la vie humaine et interdisait toutes formes de maltraitance de l’être humain en l’engageant à œuvrer à la satisfaction de ses besoins sociaux élémentaires, lors de l’intronisation de Soundjata KEITA comme empereur en 1222.
Certes, le caractère oral de cette charte dite « charte du Mandé » constitue aujourd’hui un handicap à la réclamation de la paternité du sacre des Droits de l’Homme par l’Afrique.
Qu’est ce que les Droits de l’Homme ?
Ils se définissent comme l’ensemble des droits inhérents au respect de la vie et de la dignité humaine. Les « droits civils et politiques » ont été les premiers promus. Ce sont des droits fondamentaux reconnus à toute personne, de par sa seule qualité d’être humain. Ces standards minimaux protègent la vie, la dignité, la liberté et l’égalité de chacun, quelque soit son statut, son origine, ou la situation où il/elle se trouve. Les droits de l’homme sont des normes universelles, reconnues pour la première fois au niveau international en 1948, dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.
Il existe également des droits dits « économiques, sociaux et culturels », notamment le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à un emploi, le droit à un environnement sain, etc.
A coté de ces droits que l’on pourrait qualifiés d’individuels, il y a des droits dits catégoriels se rapportant aux femmes, aux enfants, aux handicapés etc…
Cette classification a été officiellement reconnue par l’ONU qui a adopté en 1966 deux textes distinctifs ; il s’agit d’une part du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et d’autre part du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Les Libertés Publiques
Qu’est ce que les Libertés Publiques ?
La notion de libertés publiques peut être définie en se référant à celle de Droits de l’homme : si ces derniers ont une essence philosophique et une portée universelle, les libertés publiques appartiennent en propre à la sphère du droit, et se limitent aux pouvoirs publics.
Elles se présentent donc comme un aspect circonscrit de la liberté, régies par un cadre législatif.
En d’autres termes, ce sont des droits reconnus et aménagés par l’autorité publique. Par cette reconnaissance, l’autorité s’engage à n’en restreindre l’exercice que dans des circonstances exceptionnelles et dans un temps bien limité. En clair, les Libertés Publiques sont des obligations législatives auxquelles s’étreignent librement les Etats.
On peut classer les libertés publiques en trois (3) grandes catégories :
- les libertés physiques qui concernent aussi bien la sûreté personnelle que la défense de la vie privée ou encore la liberté d’aller et venir ;
- les libertés de l’esprit telles que la liberté de pensée, la liberté de religion ou la liberté de la presse ;
- les libertés collectives qui se rapportent à la liberté d’association, la liberté de réunion et de manifestation, la liberté syndicale, le droit à la grève, etc.
Dans le cas spécifique de la Côte d’Ivoire, les sombres périodes durant lesquelles les libertés publiques, bien que reconnues par la Constitution, ont été bafouées, ont prouvé que l’existence d’un Etat de droit garantissant ces libertés est indispensable. C’est à cela que s’attache le Ministère des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques et l’ensemble de l’équipe gouvernementale, c’est-à-dire donner droit de cité aux libertés Publiques dans notre pays.
Finalement, si les Droits de l’Homme se présentent comme un idéal commun à atteindre par tous les peuples et par toutes les nations, les libertés publiques quant à elles sont une réalité qui s’applique au sein des frontières d’un Etat.
II. ETAT DES LIEUX
A. La situation des Droits de l’Homme jusqu’au 11 avril 2011
L’impasse politique qu’a traversée la Côte d’Ivoire au cours de ces dernières années a enregistré de violations massives des Droits de l’Homme dont le pic a été la crise postélectorale, déclenchée à la suite de la proclamation des résultats du second tour de l’élection présidentielle, qui a déclaré la victoire de Monsieur Alassane OUATTARA.
Cette période a connu :
- des exécutions extrajudiciaires
- des atteintes corporelles avec parfois de séquelles à vie
- des pillages et incendies des biens meubles et immeubles
- et des déplacements massifs de personnes.
Cette situation délétère des Droits de l’Homme, ci-dessus dépeinte, a été la résultante entre autres :
• d’un tissu social fissuré par des divergences politiques,
• de l’érection de l’impunité en système de gouvernement pendant cette période
• des pesanteurs socioculturelles
• des problèmes d’éthique et de formation
B. La situation des Droits de l’Homme à partir du 11 avril 2011
Jusqu’à l’investiture du Président de la République, les exactions liées à la crise postélectorale ont continué de faire de nombreuses victimes.
Ces atteintes aux Droits de l’Homme, bien que plus réduites, ont perduré, résultant tantôt de la vengeance, tantôt de la difficulté pour certains de se défaire des mauvaises habitudes, permises au cours de la décennie passée.
Le Président de la République de Côte d’Ivoire qui s’était engagé au cours de sa campagne électorale à construire un Etat de droit, respectueux des droits humains et des libertés fondamentales, a pris la résolution de mettre fin à cette situation.
Cette volonté politique s’est matérialisée par la mise en place des mécanismes institutionnels et juridiques avec la remise en état de l’appareil judiciaire, la création d’un Ministère en charge des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques et d’une Commission nationale d’enquête sur les violations des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques commises après le 28 novembre 2011.
Par ailleurs, la rénovation des prisons, la rénovation des universités, la mise à niveau des installations sanitaires, la réactivation des forces régaliennes de Sécurité, le redéploiement de l’Administration, sont au cœur de l’action de l’Etat.
Parallèlement, des informations ont été ouvertes au plan national et international contre les personnes identifiées comme étant à l’origine des graves violations des droits de l’Homme et des libertés publiques pour mettre fin au sentiment d’impunité qui régnait.
En outre, par ordonnance n° 2011-167 du 13 juillet 2011, le Président de la République a crée la Commission « Dialogue, vérité et réconciliation » qui a pour mission d’œuvrer en toute indépendance à la réconciliation et au renforcement de la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d’Ivoire.
Au total, la mise en place du Gouvernement du 1er juin 2011 a été l’occasion de la promotion et de la protection, dans la mesure des moyens, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques dans notre pays
III. BILAN DES ACTIVITES
Dès sa mise en place, le Ministère des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques, s’est attelé à traduire en actes concrets, la détermination du Président de la République, de ne tolérer aucune violation des droits de la personne humaine, mais au contraire d’en assurer la promotion tous azimuts..
A. Activités réalisées en Côte d’Ivoire
Ainsi, diverses actions menées par ce département ministériel ont contribué un tant soit peu à l’amélioration des Droits de l’Homme en Cote d’Ivoire. Il s’agit :
1. des activités d’information, de sensibilisation et d’éducation :
- séminaire de renforcement des capacités des forces militaires et paramilitaires sur le respect des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques ;
- caravane des Droits de l’Homme
- diffusion des articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme sur le réseau téléphonique mobile
- organisation des festivités marquant le 63ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
- création d’un site WEB.
- Missions en Europe (sommet de Genève, conférence CADHP, plaidoyer pour expliquer la situation des Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire).
2. des activités de protection :
- création de la Commission Nationale d’Enquête
- mise en place de la Police des Droits de l’Homme
- assistance par le WEB.
3. des activités d’assistance aux populations
- organisation avec le concours du HCR des audiences foraines pour l’établissement de jugements supplétifs d’acte de naissance au bénéfice des enfants vivant dans des centres d’accueil des enfants vulnérables et exposés au risque d’apatridie
- création d’une banque de données numériques des journaux officiels édités depuis 1959
- visite aux personnes détenues dont des personnes assignées à résidence
- visite aux personnes gardées à vue dans les postes de police et de gendarmerie
- visites des sites de regroupement des personnes déplacées internes (Abidjan, Bouaké, Duékoué, Guiglo).
4. des activités d’harmonisation de la législation nationale avec les normes internationales
- élaboration d’un recueil des conventions et traités signés et/ou ratifiés par la Côte d’Ivoire
- activités de plaidoyer en faveur de la ratification, par la Côte d’Ivoire, de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie (organisation d’une table ronde)
- engagement à organiser la 52e session de la CADHP
- programmation de la visite du Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme.
5. Activités réalisées avec nos partenaires au développement
HCR, PNUD, ONUCI
B. Activités réalisées hors de la Côte d’Ivoire
- Mission à New York lors de la réunion des Etats partis de la CPI
- 3 missions en Europe (Belgique, France, Suisse, Pays-Bas) pour expliquer la politique du Gouvernement en matière de Droits de l’Homme.
VI. PERSPECTIVES
Le Gouvernement a une stratégie à appliquer en matière de Droits de l’Homme ; cette stratégie ne peut se réaliser qu’à long terme, en privilégiant la formation, l’information et l’éducation aux droits de l’homme. Nous souhaitons inculquer une véritable culture des Droits de l’Homme aux populations de Côte d’Ivoire. Cela passera par :
- la (ré)activation des cellules de promotion DH (clubs DH, collaboration avec les ONG et leurs structures locales)
- une décentralisation des activités du Ministère sur le territoire national (d’ailleurs en cours avec la caravane des Droits de l’Homme)
- une harmonisation de la législation nationale aux normes internationales
- la poursuite des actions de lutte contre l’impunité pour rétablir la cohésion sociale
- l’adoption par le Parlement d’une Politique nationale des droits de l’Homme
- la refonte de la CNDH afin qu’elle soit conforme aux Principes de Paris
- un renforcement de la coopération avec les organismes nationaux et internationaux de protection des Droits de l’Homme.
V. MESSAGE FORT
La responsabilité, le devoir de formation, le devoir d’information et la nécessité du respect des Droits de l’Homme doivent être des préoccupations quotidiennes de tous : Décideurs, hommes et femmes des médias et de communication, leaders d’opinions etc….
CONCLUSION
Les droits de l’Homme et les libertés fondamentales n’ont pas été respectées en Côte d’Ivoire au cours de ces dix dernières années.
Cette réalité a motivé la décision du Président de la République de créer un Ministère des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques afin de jeter les bases minimales d’une protection et d’une promotion durable des droits humains dans notre pays.
Les activités conduites par ce département ministériel en l’espace de quelques mois ont contribué un tant soit peu à une amélioration de la situation dans notre pays.
Ces résultats sont le fruit de nos partenaires publiques et privées témoins privilégiés de notre marche résolue et concertée vers la restauration de la démocratie et de l’Etat de Droit auxquels je tiens à rendre un hommage mérité.
Cependant, notre tâche est loin d’être achevée. A cet effet, je lance à tous, en ce sens, un appel solennel pour relever ensemble les derniers défis afin de créer un environnement propice au respect effectif de la dignité humaine en Côte d’Ivoire et pour construire cet Etat de Droit qui nous est tous cher, condition indispensable du développement que nous devons offrir à nos enfants et arrières petits enfants.
Faisons tous en sorte que la vision du Président de la République de faire de notre chère Côte d’Ivoire, un pays émergent, donc respectueux des Droits de l’Homme à l’horizon 2020 ».