Ministère de l'Intégration africaine: LES APE : Risque ou Chance pour la Côte d’Ivoire ?
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Les APE : Vision, objectifs et niveaux d’impact
1. Vision globale de l’Accord de Partenariat Economique
L’originalité de l’APE est qu’il s’agit d’un processus, d’un modèle de développement à construire en partenariat avec chaque Région, pour aboutir, selon les termes de l’Accord de Cotonou, « progressivement et harmonieusement » à l’intégration des économies ACP dans l’économie mondiale. Autrement dit de s’adapter aux règles OMC, mais aussi à la concurrence internationale, où les adversaires commerciaux sont en réalité les autres blocs du Sud, avec lesquels la Côte d’Ivoire doit irrémédiablement s’adapter pour conserver ses marchés intérieurs (riz, huile de palme, coton, sucre) et ses marchés d'exportation. L'APE est avant tout un modèle de développement pour les pays ACP, adapté à la concurrence mondiale et aux contraintes du système commercial multilatéral.
Pour une intégration progressive et harmonieuse, l’APE ambitionne une approche désormais intégrée du commerce et du développement. Il consiste à traiter, régions par régions en considérant les Etats (et non plus au niveau tous ACP), outre les questions tarifaires, l’ensemble des questions liées au commerce et au développement afin de faciliter et d’adapter l’intégration des économies dans la concurrence internationale. Le système de préférences de Lomé ne laisse pas d’autre alternative aux pays ACP que celle de s’intégrer et d’améliorer leur compétitivité. Ceci impose une restructuration graduelle mais nécessaire des économies qui opèrent désormais dans une dynamique mondiale caractérisée par l’érosion des préférences.
Dans cette perspective, l’APE doit combiner au démantèlement tarifaire un ensemble de réformes dans le domaine notamment de l’intégration régionale (2.1.1), de bonne gouvernance économique (2.1.2) et Financière (2.1.3) capables de favoriser le développement économique et commercial des pays et des régions.
1.1. Approfondissement de l’intégration régionale
L’originalité de l’APE est de renforcer l’intégration régionale afin d’installer une adaptation graduelle des économies. Intégration en deux temps. Entre les pays CEDEAO tout d’abord, et avec le reste du monde ensuite. L’intégration régionale a deux vertus que la Côte d’Ivoire se doit de saisir si elle veut entrer progressivement et harmonieusement dans l’économie mondiale et retrouver la croissance par l’exportation. L’intégration régionale ouvrira, tout d’abord, l’accès à un marché ouest africain de 250 millions d’habitants sur lequel la Côte d’Ivoire dispose d’atouts majeurs pour en tirer des bénéfices significatifs.
L’élimination des obstacles entre les pays voisins et la mise en place d’une réelle intégration favorisera des échanges commerciaux et renforcera la croissance économique. Forte de ces infrastructures de transport, de finance, de télécommunication, de son capital humain, de son tissu économique et de son rôle déjà prépondérant dans l’économie régionale, la Côte d’Ivoire part gagnante sur l’exploitation de ce marché potentiel. L’intégration régionale créera, également, de plus grands marchés, plus attrayants pour les investisseurs opérant dans un cadre réglementaire à harmoniser et à sécuriser. Il s’agira de transformer l’Afrique de l’Ouest en un pôle d’attraction économique qui attire les investissements et qui mobilise l’initiative privée.
1.2. Bonne gouvernance économique
L’enjeu majeur de l’intégration et de l’APE lui-même, est assurément la création d’un environnement des affaires favorable capable d’élargir les marchés et d’attirer les investissements nationaux et étrangers, afin de créer de la richesse et de l’emploi au bénéfice de la population. Les réformes institutionnelles et les pratiques sur le terrain devront favoriser le développement du secteur privé, afin que les entreprises puissent opérer dans un environnement économique et juridique efficace et transparent. Il faudra faire en sorte qu'un entrepreneur ivoirien puisse exporter librement et sans tracasseries sur un marché CEDEAO. Il faudra également faire en sorte qu'un investisseur extra-CEDEAO choisisse d'investir en CEDEAO, et de préférence en Côte d'Ivoire, plutôt que dans un autre pays.
C’est ce qu’ambitionne le volet économique de l’APE : il prévoit, dans un premier temps, de renforcer l’effectivité des zones de libre échange UEMOA et CEDEAO, pour qu’un opérateur économique puisse élargir son marché et exporter librement hors de son pays. C’est le premier pas pour un environnement des affaires favorable au sein d’une intégration régionale effective.
Il prévoit ensuite de renforcer l’environnement des affaires, et notamment l’approfondissement, l’harmonisation des règles de la concurrence et de l’investissement, du droit des affaires OHADA, qui sont au cœur de l’enjeu de l’intégration régionale, du développement du secteur privé, et de l’attraction nécessaire des capitaux étrangers. Pour arriver à ce résultat déterminant pour la création de richesse et d'emploi au bénéfice de la population, le mot clé sous-jacent à tout cela est la bonne gouvernance économique.
Un cadre harmonisé des affaires, un environnement juridique et institutionnel clair, fiable et appliqué, régi par la bonne gouvernance économique sera l’élément moteur pour une intégration réussie de la Côte d’Ivoire dans la CEDEAO et dans l’économie mondiale. Le succès de l’APE impose la bonne gouvernance, pour une meilleure compétitivité et une meilleure attractivité des capitaux.
1.3. Bonne gouvernance financière
L’APE aura également le mérite de stimuler l’impérieuse nécessité de rationaliser la gestion des deniers publics de l’Etat. Les pertes des recettes fiscales induites par l’APE, estimées entre 5 et 7% du total des recettes publiques, devront être compensées par de nouvelles sources de revenus. Il faudra pour cela améliorer la gestion des recettes et des dépenses publiques afin de pallier les pertes temporaires de recettes fiscales.
Il s’agit notamment sur ce point d’assurer la nécessaire transition fiscale, et notamment le développement de la TVA avec une réduction importante des exonérations, d’optimaliser le système de collecte, de lutter contre la fraude douanière et portuaire. Il s’agira également de renforcer le contrôle des recettes et des dépenses publiques, notamment par l’amélioration de la gouvernance dans les secteurs économiques essentiels, dont la filière café cacao, les ressources minières et les hydrocarbures.
En définitive, outre la construction d’une position de négociation tarifaire, il s’agira pour la Côte d’Ivoire d’identifier et de mettre en œuvre les réformes qu’elle jugera pertinentes et nécessaires pour une intégration progressive dans l’économie mondiale. Pour ce faire, elle relaiera dans un esprit de complémentarité et de subsidiarité les réformes également préconisées et négociées par les groupes techniques chargés de l’identification des mesures d’accompagnement.
2. Objectifs et niveaux d’impact des APE
Sur la base de l’Accord de Cotonou, l’Union européenne et les Etats ACP négocient les Accords de partenariat économique APE dans six régions qui sont : l’Afrique australe et orientale (APE-ESA), l’Afrique australe (APE-SADC), l’Afrique de l’Ouest (APE-CEDEAO), l’Afrique centrale (APE-CEMAC), la région des Caraïbes (APE-CARIFORUM) et la région pacifique (APE-Pacifique). Les partenaires des Accords ont convenu que les APE entreront en vigueur en 2008.
2.1. Les APE permettent le maintien et l’amélioration des préférences d’accès aux marchés de l’UE pour les Etats ACP
A ce jour, l’Union européenne a accordé aux Etats ACP des préférences unilatérales d’accès aux marchés (Accords de Lomé I à IV et réglementation de Cotonou sur le commerce en vigueur jusqu’à présent). Elles reposent sur une dérogation accordée par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) qui expirera fin2007. Il n’est pas tout simplement possible de la prolonger puisqu’une telle prolongation devrait être acceptée par les autres membres de l’OMC. Néanmoins, ces pays, les pays en développement et émergents d’autres régions du monde notamment, sont de moins en moins prêts à accepter les préférences accordées unilatéralement par l’UE aux Etats ACP.
Les APE permettent de maintenir les préférences commerciales actuelles pour les Etats ACP selon le droit en vigueur de l’OMC (article XXIV de l’OMC) et de les développer; pour y parvenir, il était absolument impératif de conclure les négociations en temps voulu d’ici fin 2007.
2.2. Les APE suivent une approche globale et aident les Etats ACP à améliorer leurs chances sur les marchés en développant des capacités et l’intégration régionale.
L’expérience du partenariat entre les Etats ACP et l’UE montre que l’accès au marché à lui seul ne s’accompagne pas nécessairement d’impulsions suffisantes pour le développement.
Les APE en bref
- Améliorer les préférences d’accès aux marchés de l’UE pour les Etats ACP ;
- Une approche globale : renforcer l’intégration régionale, renforcer les capacités de production et commerciales et influencer les thèmes liés au commerce dans le sens du développement ;
- Prendre en compte l’état de développement et le besoin de protection des différents secteurs lors de l’ouverture des marchés dans les Etats ACP ;
- Garantir la cohérence entre le commerce et le développement ;
- Appuyer en apportant de l’aide liée au commerce.
D’autres facteurs tels que les réformes économiques ou l’augmentation des capacités de production et commerciales dans les pays en développement sont des conditions d’importance pour un commerce accru et un développement économique durable. C’est la raison pour laquelle les APE ne visent pas seulement à garantir ou améliorer l’accès aux marchés des Etats ACP dans l’UE ; leur approche est aussi globale.
Cette approche prévoit de renforcer l’intégration régionale, de mettre en place des capacités de production et commerciales et d’influencer les thèmes liés au commerce dans le sens du développement (p.ex. la politique de concurrence, les investissements, la transparence dans les marchés publics). Ainsi, du point de vue du développement, les régulations régionales en matière d’investissements sont la base d’investissements durables.
Comparaison du système de préférences généralisées (SPG) de l’UE et des APE.
Les APE créeront une base conforme à l’OMC et amélioreront nettement les préférences accordées par l’UE aux Etats ACP par les Accords de Lomé et, depuis l’an 2000, par l’Accord de Cotonou. On cite souvent comme alternative aux APE le système de préférences généralisées de l’UE (SPG). Il s’applique à tous les pays en développement, mais ne propose pas de conditions d’importation aussi intéressantes que l’Accord de Cotonou. Pour l’Afrique de l’Ouest, près de 36 % des exportations de la Côte d’Ivoire, 25 % des exportations du Ghana et 69 % des exportations du Cap-Vert seront soumis, sous la réglementation commerciale de l’Accord de Cotonou, à des droits de douane plus faibles (voire aucun) que sous le SPG. Les produits concernés sont, par exemple :
- pour le Ghana : ananas, thon en boîte, noix de coco, aluminium et légumes;
- pour la Côte d’Ivoire : noix de coco, bananes, ananas et thon en boîte;
- pour le Cap-Vert : poisson et vêtements.
2.3. Les APE soutiennent une intégration progressive des Etats ACP dans l’économie mondiale
Pour que les APE soient compatibles avec le droit commercial mondial, l’UE ne doit pas être la seule à ouvrir ses marchés, les Etats ACP doivent aussi supprimer dans une certaine mesure les entraves commerciales – toutefois, beaucoup moins que l’UE et avec de longs délais de transition. Les produits sensibles peuvent être totalement exclus de la libéralisation. D’une part, ouvrir les marchés avec prudence génère des effets positifs, tels que des prix plus bas pour le consommateur ou des industries plus compétitives. D’autre part, une ouverture des marchés ciblée mais prudente peut minimiser les risques liés à la libéralisation.
La libéralisation du commerce fait craindre à certains un fort manque à gagner dans leurs recettes publiques qui, pour quelques-uns, proviennent en majorité des droits de douane. La coopération au développement peut soutenir ces pays dans la mise au point de nouveaux systèmes d’imposition ou dans le renforcement des systèmes existants. De tels systèmes encouragent à long terme le développement économique du pays et génèrent durablement des recettes publiques. De longs délais transitoires dans la libéralisation fournissent le temps nécessaire.
2.4. Les APE lient les politiques commerciales et de développement dans l’UE et les Etats ACP
Les APE offrent l’occasion d’une étroite imbrication entre les politiques commerciale et du développement de l’UE dans le but d’impulser dans les Etats ACP d’importants processus de réformes, de permettre le développement durable et de contribuer à la lutte contre la pauvreté. La liaison étroite entre le commerce et le développement prévue par l’Accord de Cotonou est rendue possible notamment en liant de manière cohérente les politiques commerciale et du développement et en agissant, au service du développement, sur les instruments de la politique commerciale.
Les mesures de la coopération au développement accompagnent le processus de libéralisation dans les Etats ACP. Elles constituent elles aussi un lien entre la politique commerciale et celle du développement. Pour atteindre ces objectifs, les Directions générales Commerce et Développement coopèrent étroitement à l’échelon européen.
Grâce au processus des APE, il est, pour la première fois, possible de réunir des experts de l’économie, du commerce, du développement et de l’intégration pour qu’ils réfléchissent ensemble à la manière de façonner les accords commerciaux au service du développement, dans les régions ACP et l’UE. Le processus de libéralisation doit s’aligner sur la situation spécifique et les besoins des partenaires les plus faibles et contribuer à leur développement économique et social.
2.5. Dans le cadre des APE, la coopération au développement accompagnera le processus de réforme et de libéralisation
La conjugaison de la coopération au développement et de mesures commerciales dans l’esprit de l’Accord de Cotonou offre l’occasion de soutenir durablement le processus de réformes des Etats ACP, ce qui permet de participer au développement économique et social. Il est nécessaire de renforcer les compétences commerciales et de négociation des institutions nationales et régionales. C’est également nécessaire pour affronter les difficultés actuelles qui subsistent dans l’intégration régionale des six régions APE.
En vue de mettre en œuvre dans les Etats ACP une politique commerciale et économique axée sur le développement, il est nécessaire de renforcer dans ces pays les institutions, telles que les autorités de régulation, ou parfois même de les créer. Le préalable à de meilleures possibilités d’accès aux marchés est que les produits des Etats ACP remplissent certaines conditions, par exemple, en ce qui concerne la qualité du produit ou les quantités livrables.
Le Fonds européen de développement constitue une bonne base pour appuyer le processus des APE. La coopération au développement liée au commerce que les Etats membres mènent actuellement complète ces approches.
2.6. Les APE sont un nouvel élément des relations entre les Etats ACP et l’UE : les futures relations économiques et commerciales seront le résultat des négociations sur les APE
Sur la base de l’Accord de Cotonou, les APE ajoutent un chapitre au partenariat de longue date entre les Etats ACP et l’UE, mais il y a changement de perspectives dans la coopération économique et commerciale. Le processus des APE comprend des négociations entre des partenaires sur un pied d’égalité au sujet des futures relations commerciales. Alors que jusqu’à présent, les préférences accordées aux Etats ACP ont été définies unilatéralement par l’UE, le contenu des APE sera le résultat d’un processus de négociations entre les régions ACP et l’UE.
Au même moment a lieu la programmation conjointe des régions ACP et de l’UE en vue de soutenir les réformes induites par les APE et les mesures d’adaptation, ainsi que la mise en place d’institutions performantes. Ces deux aspects requièrent un dialogue intense et dans le partenariat au cours des négociations au sujet des APE, ainsi que lors de la phase de mise en œuvre et au-delà.
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