RENDEZ-VOUS DU GOUVERNEMENT : EXPOSE LIMINAIRE DU MINISTRE MATHIEU BABAUD DARRET SUR LE NOUVEAU CODE FORESTIER, SES ENJEUX ET PERSPECTIVES

Le ministre Mathieu Babaud DARRET, Ministre des Eaux et Forêts, était l’invité du Centre d’Information et de Communication Gouvernementale (CICG) dans le cadre des «Rendez-vous du Gouvernement », ce jeudi 26 février, au 20è étage de l’immeuble SCIAM. A l’occasion, il a animé une Conférence de presse sur le thème «Le Nouveau Code Forestier : Enjeux et Perspectives pour une Gestion Durable du Patrimoine Forestier Ivoirien. » A cet effet, le Ministre des Eaux et Forêts a mieux fait connaitre et comprendre le nouveau cadre de la gestion forestière qui permettra la protection et la reconstitution de la forêt pour une Côte d’Ivoire émergente à l’horizon 2020. Lire l’intégralité de son propos liminaire face à la presse.

Mesdames et messieurs,

Avant tout propos, je voudrais exprimer ma grande reconnaissance à l’endroit de Son Excellence, Monsieur le Président de la République et au Premier Ministre pour l’opportunité qu’ils offrent à tous les membres du Gouvernement de s’ouvrir à la presse pour échanger sur les questions d’actualité de leurs Départements respectifs. Je voudrais également dire ma reconnaissance à Madame le Directeur Général du Centre d’Information et de Communication Gouvernementale et à toute son équipe qui œuvrent au quotidien pour la réussite de cette tribune de libre expression du Gouvernement.

A vous tous, mesdames et messieurs les journalistes, je voudrais vous témoigner ma reconnaissance pour votre présence quotidienne à nos côtés, pour nous accompagner dans nos efforts afin d’offrir aux ivoiriens et à tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire des conditions de vie agréables.

Je profite de la nouvelle année qui commence pour souhaiter à tous une bonne et heureuse année 2015 ; une année qui verra s’accomplir toutes vos ambitions, dans une Côte d’Ivoire en paix et dans l’unité de tous ses fils.

C’est pour moi un grand plaisir de me retrouver, avec vous, pour parler de la loi n°2014-427 du 14 juillet portant Code Forestier dont notre pays vient de se doter à travers le thème qui nous réunit ce matin à savoir : « Le nouveau code forestier : Enjeux et Perspectives pour une gestion durable du patrimoine forestier ivoirien »
Ce code qui fera l’objet des échanges, de tout à l’heure, va impulser une nouvelle dynamique dans la gestion de la forêt et cela de manière durable, en adéquation avec les principes internationaux.

Bien attendu, il ne s’agira pas pour nous ce matin, de faire une analyse juridico textuelle du nouveau code forestier. Cela a été longuement fait au cours de tout le processus de son élaboration. L’Assemblée Nationale l’a voté, le Président de la République, Son Excellence Monsieur le Président de la République l’a promulgué. Il nous revient donc de le vulgariser afin que tous nous en saisissions l’esprit.
Mais en même temps, nous ne pouvons pas parler du nouveau code forestier sans examiner l’état actuel de l’objet qu’il est censé protéger, c’est à dire la forêt.

2 – SITUATION ACTUELLE DE LA FORÊT IVOIRIENNE

Mesdames et messieurs, chers invités

En Côte d’Ivoire, on distingue trois grandes zones écologiques:
• Au nord le secteur soudanais, caractérisé par une alternance de forêts claires, de savanes boisées, arborées et herbeuses et de plateaux latéritiques;
• Au centre le secteur mésophile qui est une zone de transition constituée d’une mosaïque de savanes, de forêts claires et de forêts denses semi-décidues;
• Au sud le secteur ombrophile caractérisé la forêt dense humide
A ces trois grandes zones s’ajoutent des forêts marécageuses, des forêts de montagne situées à l’ouest et des mangroves sur le littoral.

La zone de forêt s’étend sur la moitié sud du pays. Le climat dans cette zone est généralement de type tropical à 4 saisons: 2 saisons sèches et 2 saisons de pluies. La couverture végétale se distingue en deux zones qui sont la forêt dense humide sempervirente et la forêt dense humide semi-décidue. Elle abrite une grande diversité floristique et faunique. Malheureusement, de 16 millions d’hectares au début du siècle dernier, la forêt dense humide est passée à 9 millions d’ha en 1965 et à 3 millions d’ha en 1991. Aujourd’hui, elle est estimée à peine, à 2 millions d’hectares de forêt naturelle.
Cette situation est en quasi-totalité imputable aux activités anthropique notamment l’agriculture extensive basée sur la technique des cultures itinérantes sur brûlis, la surexploitation de la forêt en bois d’œuvre et bois d’énergie et les feux de brousse.

Le Gouvernement ivoirien ayant pris conscience de la tragédie que vivait la forêt ivoirienne jadis luxuriante, a décidé de réagir :
- Cette réaction dans un premier temps, va se traduire par le renforcement de la réglementation forestière en Côte d’Ivoire, par l’adoption de deux importantes lois: La loi n° 65-255 du 4 août 1965, relative à la protection de la faune et à l’exercice de la chasse et la loi n° 65-425 du 20 décembre 1965, portant code forestier. Cette dernière loi viendra définir dans ses articles 5 et suivants, le domaine forestier de l’Etat, les aires de protection et de reboisement ainsi que les catégories de droits qui existent dans le domaine forestier. Le code forestier de 1965 va aussi prévoir la constitution de réserves et de forêts classées. Elle va même réglementer l’exercice des droits coutumiers et la délivrance des concessions d’exploitation forestière dans les forêts du domaine de l’Etat ;
- Par la suite de nombreux textes d’application viendront préciser l’esprit de protection du Gouvernement de la forêt ivoirienne en dégradation continue. On peut citer l’un des plus importants qui est le décret n° 78-231 du 15 mars 1978 qui subdivise le Domaine forestier de l’Etat en deux domaines. D’une part le Domaine forestier permanent de l’Etat qui renferme les forêts classées et les sites écologiques protégés et le Domaine forestier rural de l’Etat qui initialement constituait une réserve de terres pour les opérations agricoles…. ;
- Ensuite, cette réaction va se traduire à partir de 1994, par la prise d’un certain nombre de mesures telles que :
• L’interdiction de l’exploitation forestière au-dessus du 8ème parallèle;
• Le gel de l’exploitation forestière dans les périmètres à cheval sur la zone rurale et les forêts classées;
• La création d’un fichier d’opérateurs de bois agréés;
• La sensibilisation des populations riveraines des forêts classées et du domaine rural ainsi que des industriels du bois en vue de leur adhésion à la réforme de l’exploitation forestière;
• L’intensification des contrôles des activités d’exploitation par la création d’une Direction de la Police Forestière et du Contentieux et le renforcement des moyens de surveillance;
• La poursuite de l’aménagement des forêts classées;
• L’intensification du reboisement villageois.

Rappelons pour mémoire, mesdames et messieurs que :

- L’exploitation forestière qui était l’un des trois piliers de l’économie ivoirienne, a débuté en Côte d’Ivoire en 1880. Elle s’est développée durant la période coloniale pour connaître un grand essor après l’indépendance. Le volume des coupes du bois a atteint son plus haut niveau en 1977 avec 5,321 millions de m3 avant de baisser de manière drastique aujourd’hui, à 2 millions de m3 aujourd’hui.

- La réforme de l’exploitation forestière a été introduite par le décret n° 94-368 du 1er juillet 1994, pour améliorer la gestion de l’exploitation forestière, valoriser la ressource ligneuse par une transformation plus poussée du bois, réhabiliter le domaine forestier par des activités de reboisement et assainir la profession d’exploitant forestier.

- L’exploitation forestière comme nous l’avons vu plus haut, se pratique désormais en dessous du 8ème parallèle par le biais de périmètres d’exploitation d’une superficie minimale de 25 000 ha.

- Du côté des populations rurale, la principale utilisation de la forêt est l’extraction de combustibles ligneux pour satisfaire leurs besoins en bois énergie. La consommation de bois de feu et de charbon de bois est difficile à évaluer. Les besoins en bois de feu augmentent avec l’accroissement de la population et constituent une cause majeure de déboisement dans les régions de savane ainsi qu’au voisinage des centres urbains.
La production de bois de feu a été estimée en 1995 à 14 millions de m3.
Les populations opèrent aussi dans la forêt, différents prélèvements portant sur les fruits, feuilles, plantes médicinales, rotin, miel, cire, escargots et petits gibiers, etc. Il n’existe pas de statistique sur les récoltes et les potentialités concernant cette catégorie de produits. D’où, la difficulté aujourd’hui de la valorisation exhaustive de l’apport de la forêt dans production économique de l’Etat.

- En ce qui concerne l’industrie forestière dont la première unité de sciage a été installée en 1918 à Grand Bassam, la courbe est aussi descendante.
Aussi, pour permettre le ravitaillement des usines locales de transformation de bois et faire baisser la très forte pression subie par la forêt ivoirienne, le décret n° 95-682 du 6 septembre 1995 qui interdit l’exportation des bois bruts équarris et en plots, exception faite des bois issus des plantations est entré en vigueur à partir de 1997.
Par ailleurs, pour inciter les entreprises à une transformation plus poussée du bois, les quotas à l’exportation ont été imposés sur les sciages verts à partir de 1998. Il a, en outre, été fait obligation aux exploitants forestiers de reboiser des superficies proportionnelles aux volumes exploités (1 ha pour 250 m3 exploité en zone forestière et 1 ha pour 150 m3 exploité en zone pré-forestière).
Ces mesures ont entraîné un bouleversement dans la structure de la production et du commerce des produits forestiers ivoiriens. Ainsi, l’exportation de grumes a fortement chuté, se situant autour de 100 000 m3 en 1999, contre plus de 3 000 000 m3 au début des années 80; et la tendance est toujours à la baisse. Quant à l’exportation des sciages, elle se stabilise autour de 500 000 m3.

- Dès lors, il est clair que le Gouvernement ivoirien par la mise en place d’un Domaine Forestier Permanent de l’Etat constitué principalement des Aires Protégées
(Parcs Nationaux et Réserves) et des forêts classées, avait pour principale préoccupation de maintenir de vastes étendues de forêts représentatives de tous les écosystèmes. A cet effet, la Côte d’Ivoire a ratifié la convention sur la biodiversité
en 1996.

- Aujourd’hui, le Domaine permanent de l’Etat couvre autour de 5,6 millions d’hectares reparti pour 70 % en zone forestière et pré-forestière et 30 % en zone de savane.

Comme nous le voyons, le besoin de protection de la faune et la flore des forêts ivoiriennes extrêmement variées, est donc la principale raison du maintien de vastes étendues de forêts par le Gouvernement ivoirien.

Pour conclure sur ce chapitre mesdames et messieurs,

Nous pouvons dire que le Gouvernement ivoirien de l’époque a fait beaucoup d’efforts pour contrer la dégradation et la disparition de la forêt ivoirienne.
Néanmoins, toutes les réformes entreprises restaient dans le respect des trois objectifs globaux de la loi de 1965 portant Code forestier à savoir :
- L’exploitation forestière : En effet, bien que réglementée, l’exploitation forestière selon l’article 6 du décret de 1978, dans le Domaine forestier permanent de l’Etat, se poursuit conformément aux dispositions de la loi de 1965 et ses textes d’application. De même que le reboisement qui avait été fait n’a pas servi à restaurer le couvert forestier national. En effet, plus de 40 000 hectares par les exploitants forestiers (reboisement compensatoire) dans la période 1997 – 2000, 120 000 hectares de plantations forestières de type industriel et 80 000 hectares de plantations de reconversion par la SODEFOR depuis 1966 (date de sa création) ont servi de bois d’œuvre et d’ébénisterie ;
- Le développement agricole : La création d’un domaine forestier rural de l’Etat atteste de cela lorsque l’article 2 du même décret dispose que le Domaine forestier rurale de l’Etat constitue une réserve de terres pour les opérations agricoles ;
- La conservation de la biodiversité pour la préservation de la flore et de la faune de Cote d’Ivoire et pour les besoins écologiques et de santé des populations.

Nous pouvons amèrement, constaté ensemble que la situation de la forêt ivoirienne a empiré. La forêt ivoirienne se meurt. Elle est en voie de disparition tout simplement, parce que :
- Nous avons continué à privilégier l’aspect économique de l’exploitation de nos ressources, cet aspect qui renferme les principaux éléments destructeurs de la forêt, à savoir : l’agriculture extensive, l’urbanisation galopante, les feux de brousse pratiqués à des fins de chasse et/ou de cultures sur brulis.
- Il y a eu la longue crise politico-militaire que le pays a connue pendant une décennie et qui favorisé le pillage de nos ressources naturelles et l’infiltration massive de nos aires protégées (forêts classées et autres parcs et réserves) par des populations venues en majeurs partie des pays frères de la sous-région.

Devant un tel désastre, que faut-il faire pour sauver la forêt ivoirienne moribonde ? Continuons-nous d’agir comme des charognards autours d’une carcasse afin de connaitre la désertification et d’être obligés très prochainement, de planter des arbres pour lutter contre les rudes conditions de vie désertiques ?
Ou alors, devons-nous réagir positivement pour protéger nos ressources naturelles, plus particulièrement notre forêt et sa faune, pour continuer de mériter notre statut de pays forestier et plus particulièrement et de mériter notre emblème qui est l’éléphant qui aujourd’hui est à l’origine de plusieurs conflits homme/faune ?

Le Gouvernement ivoirien lui, en optant pour une politique de protection et de développement de la forêt et ses dérivés que sont la faune et les ressources en eau, a choisi la deuxième alternative qui est d’inverser les tendances à la dégradation de la forêt ivoirienne.

3 – STRATEGIE D’INVERSION DES TENDANCES A LA DEGRADATION DE LA FORÊT IVOIRIENNE

Mesdames et messieurs,

En nous confiant le Département des Eaux et Forêts en 2012, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire, nous a expressément assigner la mission de protéger et de développer la forêt ivoirienne. De plus, Le Président lui-même, affirmait cette volonté d’inversion des tendances du haut de la tribune des Nations Unies, lors du Sommet Mondial sur le climat, le 23 Septembre 2014, où il a attiré l’attention de la communauté internationale sur la perte d’environ 200 000 hectares de forêt que la Côte d’Ivoire enregistre chaque année.
Dès lors les objectifs du gouvernement sont clairs :
- D’abord, lutter en interne contre la déforestation et la destruction de notre écosystème ;
- Ensuite, inscrire notre pays dans la politique internationale de préservation de la nature et de lutte contre le changement climatique.

Le Ministère des Eaux et Forêts qui a pour mission de gérer la forêt, faune et les ressources en Eau, a donc la lourde tache de réaliser ces objectifs. Et, les actions à mener sont innombrables. Nous n’allons citer que quelques-unes des plus significatives, à savoir :

- la lutte contre les feux de brousse,
- le reboisement,
- la protection des forêts par la mise en place d’un bon cadre institutionnel.
Bien sûr, quelle que soit la stratégie développée, elle ne peut aboutir sans une participation accrue des populations.

3 – 1 – La lutte contre les feux de brousse

Depuis 2012, nous avons intensifié la politique de lutte contre les feux de brousse et les incendies de forêts par une large campagne de sensibilisation auprès des populations rurales. Je profite au passage, pour remercier les organes de presse qui régulièrement, rendent compte de nos actions à ce niveau, avec une mention spéciale à la télévision ivoirienne.
Les feux de brousse étant l’une des trois principales causes de destruction de la forêt, nous avons procéder à l’installation d’environ 76 comités villageois de lutte contre les feux (en 2014 le lancement de la campagne s’est déroulé à Djekanou).

3 – 2 – Le reboisement, principale moyen de retournement des tendances

Jusqu’à présent, c’est la principale voie de reconstitution du couvert forestier que le Gouvernement ivoirien a choisi. Beaucoup de reboisement ont été opérés en Côte d’Ivoire depuis 1929.
Ainsi de 1929 à 2014, un peu plus de 380 000 ha de reboisement ont été réalisés avec ces derniers temps le concours de la société civile :
• Par les structures des Eaux et Forêts à travers la SODEFOR (pour les forêts clas-sées), les services du Ministère dans le cadre de leurs attributions opération-nelles ;
• Par les opérateurs du bois (reboisement compensatoire) ;
• A travers divers projets mis au point depuis 2012 par le Ministère notamment le célèbre « une école 5ha de forêt mené conjointement avec le Ministère de l’Education Nationale et le projet reboisement des flancs des montagnes de l’Ouest ;
• Par la société civile telle que les ONG et des personnes privées.

Malheureusement le reboisement nécessitant beaucoup de moyens tous ce qui a été fait n’a pas permis d’avancer. En effet, le Gouvernement qui s’était engagé, à partir de 1980 à reboiser au moins 100 000 ha chaque année n’en faisait qu’à peine 10 000 à 11 000 ha. De plus les grandes incendies de forêts des années 80-90 ont anéanti tous les efforts de reboisement de l’Etat. Enfin, le reboisement opéré se trouve largement en deçà du rythme de disparition de la forêt. Il ne représente annuellement que 3 à 4% des superficies perdues.
Les experts ont conclu dans le cadre d’une étude menée en 2014, au sein du Ministère et relative à la fiscalité et la parafiscalité, qu’en conservant ce rythme il n’y aura plus de forêts en Côte d’Ivoire à partir de 2040.

Mesdames et messieurs, comme vous le voyez, nous ne sommes plus dans le cadre d’une gestion durable de la forêt ivoirienne. C’est pour cela que nous avons ressenti le besoin de revisiter le cadre institutionnel pour nous inscrire dans la vision du Chef de l’Etat et dans les objectifs du Gouvernement c’est-à-dire la durabilité, la bonne gou-vernance et le respect des normes internationales.
N’oublions pas qu’il s’agit d’inverser les tendances à la dégradation de la forêt ivoi-rienne en commençant par réaliser 20% de notre territoire nationale en couverture forestière, soit 7 millions d’hectares dans les années à venir.
Il faut donc une organisation efficiente qui commence par la mise en place d’un nou-vel organigramme et qui est soutenu par un cadre légal et réglementaire.

3 – 3 – Mise en place d’un nouveau cadre de travail

Il fallait que le Ministère lui-même s’imprègne du nouvel esprit afin de mieux mettre en pratique les nouvelles consignes de bonne gouvernance et de préservation de notre forêt.
- Aussi un nouvel organigramme a été mis en place par le décret n°2014-521du 15septembre 2014 portant organisation du Ministère. Cet organigramme prend en compte les notions de bonne gouvernance, de gestion durable par la création d’une structure dédiée à la sensibilisation des populations à la protection de la Fo-rêt, de protection de l’écosystème et de renforcement permanent des capacités du personnel. Cet aspect organisationnel est important dans la mesure où depuis 1960, les structures en charge de la gestion des activités forestières souffrent d’une instabilité quasi-permanente. Ce constat a été fait par des experts internationaux dans une étude qui s’intitule « l’Etude prospective du secteur forestier en Afrique (FOSA) », consacrée à la Côte d’Ivoire. Cette étude conclut à sa page 17 que « cette instabilité a été et demeure un sérieux handicap dans le contrôle, le suivi et même la poursuite des projets et programmes initiés dans le secteur. » (Raconter la petite histoire du ministre congolais). A cela il faut ajouter la perte du contrôle de ses structures de formations, si elles n’ont pas purement et simplement disparu (l’école de Bouaké) elles sont gérer par un autre département ministériel.
- Le Ministère a engagé la Côte d’Ivoire dans des négociations avec l’UE dans le cadre de l’APV/FLEGT pour plus de transparence dans l’exploitation et l’exportation du bois.
- Le Ministère prépare aussi la tenue des Etats Généraux de la forêt et de ses dérivés (le lancement est prévu pour demain) en vue d’en faire le diagnostic et de prévoir les instruments correctifs notamment une politique de gestion pour les 45 ans à venir.
- Le Ministère a aussi engagé une gestion informatisée des activités forestières et des procédures de travail à travers le projet SIGAF, pour plus de transparence et de bonne gouvernance.
Mais toutes ces réformes doivent être soutenues par des textes.
Ainsi, après le Code de l’Eau de 1998 et, en attendant également la révision de la Loi sur la Faune pour rendre plus complet l’arsenal des textes composant le cadre législatif de gestion de ces ressources forestières, le nouveau Code Forestier a été promulgué par le Président de la République, SEM Alassane OUATTARA dans le sens des objectifs susvisés.

4 – LA LOI N°2014-427 du 14 JUILLET 2014 PORTANT CODE FORESTIER

Nous pouvons d’entrée, dire que le nouveau code forestier opère un virage important dans la gestion des activités forestières. Les raisons, nous en avons exposé quelques-unes des plus importantes plus haut. D’une manière générale, le code forestier a été élaboré parce que celui de 1965 était inadapté aux nouvelles exigences environnementales. C’est un instrument technique et juridique pour une gestion durable de ses ressources forestières.

Mesdames et messieurs,

Une foule de questions vient tout de suite à l’esprit de tout un chacun. En quoi le code de 2014 est-il différent de celui dec1965 ? Quelles sont les innovations qu’apporte le nouveau code ? Peut-il favoriser une gestion durable des ressources forestières ? Etc.


4 – 1 - Le code forestier de 2014, principal outil d’inversion des tendances

Le nouveau code est le couronnement d’une nouvelle politique de protection initiée en Côte d’Ivoire depuis 1988, au regard des évolutions de la politique internationale de protection de l’environnement en général, et des ressources forestières en particulier.
Cette nouvelle orientation a été renforcée dans la Déclaration de Rio de Janeiro de Juin 1992 adoptée à la 2ème Conférence des Nations-Unis sur l’Environnement et le Développement. Elle a mis en exergue les nouvelles exigences de gestion forestière, en même temps qu’elle met à nue les lacunes de la Loi n°65-425 du 20 décembre 1965 portant Code Forestier vis-à-vis de ces exigences.
Il faut tout de suite signaler que les insuffisances observées dans le Code Forestier de 1965 découlent moins de l’impertinence de ses dispositions juridiques que de la nécessité de renforcer les mesures de gestion durable des ressources forestières.

Ces insuffisances concernent notamment :
- L’inadéquation de définitions, d’objectifs et de principes fondamentaux relatifs au secteur forestier ;
- L’absence de dispositions juridiques relatives au statut des forêts et bois sacrés en dépit de leur grand nombre ;
- L’inexistence d’un mécanisme de financement durable de la forêt ;
- L’absence de référence à la gouvernance forestière, notamment la certification, la traçabilité en matière forestière et la valorisation des services environnementaux de la forêt dans la lutte contre les changements climatiques et la promotion de la recherche forestière ;
- La nécessité de renforcer la fonction de Police Judiciaire des Agents assermentés des Eaux et Forêts ;
- L’absence d’un plan d’aménagement simplifié des forêts du domaine rural ;
- La faiblesse des sanctions pénales et pécuniaires ;
- La faible implication des collectivités territoriales et des privés dans la création et la gestion des forêts ;
- La création de plantations forestières uniquement pour la production de bois d’œuvre et d’ébénisterie et non pour des raisons écologiques.

La persistance de ces insuffisances ne pouvait que contribuer à la dégradation des ressources forestières.
Dès lors, l’édiction d’une nouvelle loi, alliant à la fois les dispositions pertinentes de la loi de 1965, encore utiles et les nouvelles préoccupations, s’imposait comme la voie appropriée.

Ainsi, le nouveau code forestier de 2014 prévoit des règles et des principes qui permettent notamment :

- De maintenir le potentiel exploitable de la forêt naturelle ;
- De restaurer le couvert végétal, en priorité en zones pré-forestières et de savane ;
- De poursuivre le reboisement et l’aménagement des forêts classées ;
- D’améliorer les rendements d’exploitation ;
- De règlementer l’utilisation des ressources génétiques des forêts, de même que l’accès aux résultats et avantages découlant des biotechnologies issues des dites ressources ;
- De contribuer à la lutte contre les changements climatiques ;
- De promouvoir la recherche forestière ;
- D’instituer un mécanisme de financement durable des forêts ainsi qu’un taux de couverture forestière plus important ;
- D’améliorer la transformation et de règlementer la commercialisation du bois.

4 – 2 - Le code forestier de 2014, principal outil de gestion durable et de préservation de l’écosystème

Au vu des objectifs mentionnés au point précédent, le nouveau code forestier prend en compte le nouveau contexte de gestion rationnelle et durable des forêts tropicales. Il s’inscrit parfaitement dans la nouvelle orientation de la politique forestière nationale et internationale et il introduit de nouvelles règles à travers :
- Une nouvelle définition de la forêt (art 1) qui désormais se définit comme étant « toute terre constituant un milieu dynamique et hétérogène à l’exclusion des formations végétales résultant d’activités agricoles, d’une superficie minimum de 0,1ha portant des arbres dont le houppier couvre au moins 30%de la surface et qui peuvent atteindre à maturité une hauteur minimale de 5mètres » alors que le code de 1965 définissait la forêt comme un « ensemble des formations végé-tales dont les fruits exclusifs ou principaux sont les bois d’ébénisterie , d’industrie et de service, les bois de chauffage et à charbon et qui ,accessoirement , peuvent produire d’autres matières telles que bambou , écorces, latex, résines gommes graines et fruits » ;
- La prise en compte de l’arbre hors forêt comme élément constitutif de la couver-ture forestière ;
- La prise en compte de toutes les dimensions socio-économique, éducative, touristique, scientifique et environnementale des forêts à travers une classification fondée, d’une part, sur le domaine forestier classé et, d’autre part, sur le domaine forestier protégé ;
- La diversification des régimes forestiers et l’introduction de l’arbre dans le processus de délimitation des terroirs villageois ;
- Le renforcement des dispositions relatives à la protection et à l’aménagement des forêts ;
- Le renforcement de mesures devant conduire à une industrialisation plus poussée de la filière bois ;
- Le renforcement des dispositions préventives et répressives ;
- L’institution d’un mécanisme de financement durable des forêts ;
- L’institution de structures d’encadrement et d’appui au développement des forêts dans le domaine rural ;
- La création d’un cadre de concertation et d’un conseil scientifique ;
- L’évolution des missions des Agents de l’Administration Forestière qui deviennent désormais des Agents de Police Judiciaire, d’Encadrement et d’Exécution de Programmes Forestiers ;
- La prise en compte des principes fondamentaux de gestion de la forêt tels que définis à travers les instruments juridiques internationaux (Convention de Rio de Janeiro sur la Diversité biologique, Convention CITES sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction….) ;
- La détermination d’un taux minimum de couverture forestière (20%) ;
- La réglementation intégrée à travers la prise en compte des législations connexes (lois relatives au domaine foncier rural, aux parcs nationaux et réserves, à la faune et à la flore, à la pèche…) ;
- L’harmonisation de la gestion forestière avec les autres secteurs tels que l’agriculture, la pêche, l’élevage…) ;
- La classification des forêts en fonction de leur vocation (Production, protection…), assortie d’une diversification renforcée des régimes forestiers (forêts de l’Etat, forêts des collectivités territoriales…) ;
- L’apparition de la notion de domaine forestier public de l’Etat et de domaine forestier propre des collectivités territoriales (forêts de protection, forêts d’expérimentation, forêts de récréation), d’une part, et le domaine forestier privé (forêts classées de production, forêts protégées), d’autre part ;
- L’introduction et la prise en compte du statut de l’arbre hors forêt qui devient le centre d’intérêt du couvert forestier ;
- L’introduction de la notion de plantation forestière au même titre que tout autre plantation agricole ;
- La reconnaissance de la mise en valeur écologique au même titre que la mise en valeur agricole ;
- L’institution d’un plan d’aménagement comme instrument de gestion durable des forêts ;
- L’élargissement du champ de la conservation par l’intégration de nouvelles dispositions ou prohibitions (interdiction de verser des produits ou déchets toxiques dans le domaine forestier, règlementation du déboisement) ;
- La prise en compte de nouvelles infractions assorties d’un renforcement des pénalités ;
- La définition d’un cadre institutionnel prenant en compte l’intervention des principaux acteurs (Etat, collectivités territoriales, personne physique ou morale de droit privé, Organisation Non Gouvernementales, Associations féminines…), en conformité avec les recommandations de la conférence de Stockholm de 1972 et le programme d’actions ;
- L’institution d’un mécanisme de financement durable de la forêt ;
- L’institution de structures chargées d’apporter un appui au développement des forêts des collectivités territoriales, des personnes physiques et des personnes morales de droit privé ;
- Le renforcement des pouvoirs de police des agents des Eaux et Forêts.

4 – 3 – Les Enjeux du code forestier de 2014

Mesdames et messieurs,

Quels sont, alors, les enjeux qu’ouvre le nouveau code forestier ?

- Au plan écologique
La préservation de la forêt est d’un enjeu capital pour la Côte d’Ivoire, vu qu’elle joue un rôle vital dans l’équilibre écologique et dans l’économie ivoirienne. Donc,
Sans être exhaustif, on peut affirmer que La forêt permet  d’assurer :
• Le maintien de l’équilibre Climatique (permet d’être à l’abri des changements climatiques) ;
• La séquestration de carbone (réduction de la pollution de l’air ;
• La fourniture d’un important taux d’oxygène (indispensable à toute vie organique et donc à celle des hommes et des animaux terrestres, aquatiques et de l’avifaune) ;
• La lutte contre la désertification et la savanisation ;
• La protection de la couche d’ozone et la lutte contre les changements climatiques Globalement, la disponibilité de la forêt permet de réguler le climat et de faciliter ainsi la vie sur terre ;
• Les randonnées et les sorties détentes et d’agrément pour profiter de l’air pur produit par la forêt.

- Au plan économique
• Il s’agit par ce nouveau code, de favoriser la relance de l’industrie et de l’artisanat du bois par les dispositions qui encouragent une transformation locale plus poussée. Cette industrie est actuellement en difficulté à cause de la rareté du bois.
• Il s’agit aussi d’utiliser les produits de la forêt comme source d’énergie renouvelable (biomasse) et donc d’accroitre la culture et l’exploitation du bois d’énergie et de chauffe (charbon de bois).
• Le nouveau code favorisera aussi l’écotourisme. En d’autres termes le nouveau code veillera à une exploitation rationnelle du potentiel de la forêt ivoirienne.
• Il permettra la pérennisation de la pharmacopée qui de plus en plus prend de l’importance aux côté de la médecine dite moderne, en empêchant la destruction et la disparition des innombrables plantes médicinales.

- Au plan éducatif
La mise en œuvre du nouveau code permettra aux générations présentes et futures ainsi qu’aux amoureux de la nature de découvrir, d’apprendre et de mieux connaitre notre écosystème par la préservation de sa biodiversité.

De manière globale, les enjeux de ce code sont nombreux, ce qui nous offre des perspectives tout aussi importantes pour une gestion efficiente de la forêt ivoirienne

4 – 4 – Les perspectives du code forestier de 2014

Mesdames et messieurs, en termes de perspectives des actions immédiates s’imposent à nous :
- Ainsi, nous devons très rapidement avec le concours de tous les acteurs du secteur, élaborer, valider et soumettre au Gouvernement pour adoption, tous les textes d’application (ils sont très nombreux) de la loi de 2014 afin de rendre son application effective sur le terrain ;
- Il va falloir mettre en place toutes les structures de gestion préconisées par le nouveau code notamment une agence pour le développement de la forêt et un fonds pour le financement durable ;
- Nous devons mettre en place une stratégie de développement à long terme, de la forêt ivoirienne. Ce document sera l’un des principaux résultats de la tenue des Etats Généraux que nous allons lancés demain vendredi 27 février.
- Nous devons pour soutenir le document de stratégie, pouvoir émettre un plan d’actions pour le futur qui pourrait ressembler à celui-ci-dessous proposé dans le FOSA, sous forme de scénarii qui porteraient sur les points suivants :
• Gestion de la ressource ligneuse dans le domaine rural ;
• Gestion durable du patrimoine forestier en zone rurale;
• Promotion de la foresterie privée et collective;
• Création de complexes sylvo-industriels.
• Développer la petite entreprise de travaux forestiers ;
• Mettre en place des comités de gestion des forêts du domaine rural ;
• Délimiter les reliques de forêts protégées dans le domaine rural ;
• Organiser la propriété foncière (opération en cours au Ministère de l’Agriculture) ;
• Développer les plantations forestières en zone rurale ;
• Mettre en œuvre le partenariat (PPP) pour la gestion des ressources fores-tières ;
• Mettre en place une base de données forestières ;
• Transformer d’avantage le bois et valoriser les sous-produits ;
• Créer un observatoire du bois ;
• Prendre effectivement en main toutes les forêts classées et gérer les popula-tions qui y vivent, procéder si possible, à leur regroupement, arrêter les nou-veaux défrichements ; et encourager au départ d’occupants illégaux ;
• Cogérer des forêts avec les populations (partage des revenus) ;
• Mettre en œuvre la gestion contractuelle des occupations agricoles ;
• Proposer des contrats pour les paysans installés en forêt classée ;
• Etc.

Mesdames et Messieurs, les perspectives comme les enjeux, sont nombreuses et au-gure d’un avenir meilleur pour notre patrimoine forestier. Deux raisons fondamen-tales peuvent expliquer cet optimisme.
D’une part, l’ouverture de la gestion forestière au secteur privé par la possibilité de constituer des plantations forestières en vue d’assurer son approvisionnement et d’autre part, le transfert de la propriété de l’arbre aux paysans. Cela, pour induire une plus grande responsabilisation de ces deux catégories d’opérateurs, accusés à tort ou à raison d’être les principaux destructeurs de la forêt.

CONCLUSION

Devant la catastrophe écologique que représente la disparition à un rythme soutenu de notre patrimoine forestier et devant l’échec du PDF 1988-2015 (qui avait bien démarré et qui promettait), l’Etat de Côte d’Ivoire s’est doté en 2014, d’un code forestier qui vient opérer une nouvelle orientation dans la gestion de la forêt ivoirienne.
L’esprit de ce texte est clair. Il s’agit de sortir de ce triptyque exploitation forestière- développement agricole-prise en compte des besoins de survie des populations, pour s’inscrire dans la gestion et développement durable, dans la lutte contre le réchauffement de la planète et le changement climatique, dans l’exploitation économique durable de la forêt en harmonie avec l’agriculture. Vous savez sur ce dernier point que notre Président a pris l’engagement d’un développement de l’agriculture avec zéro destruction de forêt. C’est aussi l’un des enjeux forts de ce code.
J’aimerais aussi souligner que le nouveau code ne signifie pas un abandon de la gestion des activités forestière par l’Etat qui se réserve les fonctions du choix et de l’encadrement des opérateurs, du suivi et du contrôle des activités, de la réglementation, de la formation et de la recherche.



Mesdames et messieurs,

Avant de clore mon propos, j’aimerais renouveler mes remerciement à Son Excellence Monsieur le Président de la République, à messieurs les ministres, à tous les invités et les organes de presse ici présents pour dire que le sujet qui nous réunit ce matin, est pour moi d’une importance capitale parce qu’il s’agit de notre cadre de vie, de notre santé, de nos emplois et du statut de pays forestier de notre nation.
Il y a beaucoup à dire. En même temps le temps qui nous est imparti ne permettra pas de faire le tour complet de tous les problèmes.
Je voudrais donc m’excuser pour les points que je n’ai pu couvrir au cours de mon intervention et qui pourtant vous tiennent à cœur. Je pense et je souhaite que les échanges qui vont suivre nous permettent d’aborder quelques-uns.

Ceci étant, nous sommes tous interpellés pour sauver notre environnement si nous voulons que l’émergence de notre pays en 2020, soit une parfaite réussite


Je vous remercie !