52EMES ASSEMBLEES ANNUELLES DE LA BAD EN INDE : LE VICE-PRESIDENT DUNCAN SOULIGNE QU’IL FAUT RENFORCER LES LIGNES DE CREDITS EN FAVEUR DES PAYS AFRICAINS

En Inde depuis le 20 mai pour représenter le Chef de l’Etat ivoirien, le Président Alassane Ouattara, aux 52èmes Assemblées annuelles de la Bad, le Vice-Président de la République, Daniel Kablan Duncan, a pris la parole le lundi 22 mai à la "Session inaugurale sur la coopération Afrique-Inde pour le renforcement de la stratégie Top 5". C’était au Centre de conférence international Mahatma Mandir, Gandinagar, dans l’Etat de Gujarat. Le vice-Président ivoirien a, dans son allocution, indiqué que l’Inde a réussi à sortir une frange importante de sa population de la pauvreté grâce à ses performances économiques liées à la transformation structurelle de son économie orientée vers l’industrialisation. Puis il a souligné que l’Inde offre aujourd’hui d’énormes opportunités pour le développement de partenariats forts avec les entreprises africaines. Avant de plaider pour le « renforcement des lignes de crédits en faveur des pays africains dont les besoins de développement appellent des financements de plus en plus importants, tout en assurant la promotion de joint-ventures afro-indiens » Ci-joint l’intégralité de sa déclaration à la session inaugurale

 Excellence Monsieur Patrice TALON, Président de la République du Bénin ;

 Excellence Monsieur Paul KAGAME, Président de la République du Rwanda ;

 Excellence Monsieur Yemi Osinbajo, vice-Président de la République du Nigéria ;

 Honorable Arun Jaitley, Ministre des Finances et de la Défense de a République Fédérale de l’Inde ;

 Mesdames et Messieurs les Gouverneurs du Groupe de la Banque Africaine de développement ;

 Monsieur Akinwuni Adesina, Président du Groupe de la Banque Africaine de développement ;

 Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs ;

 Monsieur le Chief Minister de l’Etat du Gujarat ;

 Monsieur le Secrétaire du Département des Affaires Economiques du Ministère des Finances et de la Défense ;

 Monsieur le Directeur Général de la Confédération de l’Industrie indienne ;
 Mesdames et Messieurs les Chefs d’Entreprises

 Honorables invités ;

 Mesdames et Messieurs ;

C’est avec un insigne honneur que je prends la parole, au nom du Président de la République, S.E.M Alassane OUATTARA, à l’occasion de la session inaugurale du Forum sur la Coopération Afrique-Inde, qui porte, cette année, sur les « partenariats pour l’industrialisation et l’intégration plus forte de l’Afrique dans les chaines de valeur ». Cela, en nous appuyant notamment sur les cinq (5) priorités définies par la Banque Africaine de développement (BAD) pour la transformation du continent. Il s’agit de :

- Eclairer l’Afrique avec des investissements adéquats dans le secteur énergétiques ;

- Nourrir l’Afrique par l’amélioration de la productivité agricole ;

- Industrialiser l’Afrique à travers la mise en œuvre de programmes d’investissements massifs, mais pertinents ;

- Intégrer l’Afrique grâce à des stratégies misant sur la mobilité des investissements, des personnes et des biens et services

- et d’améliorer la qualité des conditions de vie des populations africaines.

Avant d’entrer dans le vif de cet important sujet, je voudrais adresser nos très vifs remerciements au Premier Ministre et au Gouvernement indiens pour l’aimable invitation à participer à cette grande rencontre, ainsi que pour l’accueil très chaleureux et fraternel qui a été réservé, à moi-même et à ma délégation depuis notre arrivée dans ce grand et beau pays.

Je voudrais également, au nom du Président Alassane OUATTARA, particulièrement saluer la présence très distinguée des Présidents Patrice TALON du Bénin et Paul KAGAME du Rwanda, ainsi que celle du vice-Président Yemi Osinbajo du Nigéria. Excellences, je me félicite déjà de la très haute qualité de vos contributions respectives qui renforceront le succès de ces importantes Assises d’Ahmedabad.

Excellences, Mesdames et Messieurs

Les liens culturels et économiques qui unissent l’Inde et l’Afrique vont bien au-delà du chapati (ce pain délicieux dont raffolent les Kényans) et du thé chai (mélange de thé, de lait, de sucre et d’épices, boisson favorite à Nairobi). Ces liens constants ont traversé le temps des échanges commerciaux des siècles antérieurs et de la coopération politique pour l’indépendance de l’Afrique. N’oublions pas que Mahatma Ghandi, alors jeune Avocat, a passé vingt-et-une (21) années en Afrique du Sud.

En 2015, la population indienne en Afrique était estimée à 2,7 millions.

C’est donc une relation ancienne et fusionnelle dans laquelle le secteur privé indien a joué et continue de jouer un rôle déterminant qui unit l’Inde et l’Afrique. Cette relation est marquée par la tradition d’une forte présence d’entreprises indiennes, en particulier en Afrique australe et orientale.

Au cours de la dernière décennie, l’Inde a donné une impulsion nouvelle à son partenariat déjà ancien avec l’Afrique, en se positionnant, depuis le premier Sommet Inde-Afrique tenu à New Delhi, en avril 2008, comme l’un des pays émergents, acteur majeur du développement du continent africain, avec notamment la Chine et le Brésil.

Cette revitalisation de la coopération Afrique-Inde s’inscrit harmonieusement dans le cadre de la coopération Sud-Sud, face notamment à l’évolution des intérêts géopolitiques des pays du Nord, et à l’impératif de diversification des partenaires des Etats africains.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

L’Afrique a certainement beaucoup à gagner de sa coopération avec l’Inde. Pour ce faire, elle a besoin de se donner une vision claire sur son propre développement, de cadres et d’institutions efficaces, ainsi que de politiques internes et externes cohérentes et innovantes, avec des réformes structurelles et sectorielles audacieuses et adaptées à l’évolution rapide de l’environnement mondial.

La mise en œuvre de l’agenda 2063 de l’Union Africaine et de la stratégie TOP 5 de la Banque Africaine de développement (BAD) répond à cette exigence. Ces deux agendas pourront surement orienter la coopération de l’Afrique avec l’Inde dans un sens de plus en plus conforme à ses propres intérêts, dans un partenariat gagnant-gagnant.

Avec un taux de croissance économique moyen de près de 5 %, au cours de la dernière décennie, taux au-dessus de la moyenne mondiale de 2,8 %, l’Afrique est désormais visible sur les cartes économiques.
Il est cependant à noter que la croissance économique africaine a été insuffisamment créatrice d’emplois, notamment pour sa jeunesse qui représente près de 60 % de sa population. Le recul de la pauvreté est resté assez faible, même si certains pays ont réalisé de progrès intéressants. Le commerce des matières premières reste le principal moteur du dynamisme économique africain. Il reste donc une marge très importante pour le renforcement des industries manufacturières à valeur ajoutée et des services, et donc pour la transformation structurelle des économies africaines.

A l’inverse, l’Inde, ce pays avec lequel l’Afrique a « des liens de parenté », est parvenue à sortir une frange importante de sa population de la pauvreté, grâce à ses performances économiques liées à la transformation structurelle de son économie, orientée vers l’industrialisation.

C’est ici que le partenariat déjà dynamique entre l’Afrique et l’Inde doit s’amplifier et se diversifier davantage, eu égard aux opportunités d’investissements variés sur le continent africain.


Excellences, Mesdames et Messieurs,

l’Inde est un grand pays industriel qui s’exporte en Afrique. Le pays possède des industries à la pointe de la technologie. L’inde est le premier producteur mondial de logiciels et ses industries électroniques en général, et informatiques en particulier, sont en plein développement.

Les investissements indiens continuent d’augmenter en Afrique. Ainsi, le deuxième opérateur de téléphonie mobile en Afrique, Airtel, est une filiale de Barthi Airtel, entreprise multinationale de télécommunications basée à New Delhi, présente dans 18 pays africains.

Tata Africa Holdings est présent dans onze (11) pays africains, intervenant dans des technologies de l’information, des produits chimiques, de la sidérurgie et de l’ingénierie, de l’industrie hôtelière, de l’énergie et dans le secteur minier. A fin 2016, elle avait déjà investi plus de 145 milliards de dollars US en Afrique.
D’autres entreprises indiennes telles que ArcelorMittal, Essar Steel, Coal India, Vedanta Resources, Varun Industries, Jindal Steel and Power, ou encore Apollo Tyres opèrent sur le continent africain depuis de longue date.
Le secteur privé indien offre ainsi des opportunités indéniables pour le développement de partenariats forts avec les entreprises africaines, dans la perspective de l’industrialisation et de la diversification des économies africaines. N’est-ce pas pour accélérer cette dynamique que le Premier ministre indien Narendra Modi avait annoncé, lors de la clôture du Sommet Inde-Afrique de 2015, la mise en place d’une ligne de crédit de 10 milliards de dollars US pour encourager les entreprises indiennes à investir en Afrique ?

Il faut renforcer les lignes de crédits en faveur des pays africains dont les besoins de développement appellent des financements de plus en plus importants, tout en assurant la promotion de joint-ventures afro-indiens, notamment avec la création du l’India-Africa Business Council.

Par ailleurs, l’Inde pourrait faire bénéficier les entrepreneurs africains de ses solides réseaux de fournisseurs qui contribuent à l’implantation d’industries spécifiques dans nos pays.
Excellences, Mesdames et Messieurs,

En 2016, l’Afrique comptait environ 1,2 milliards d’habitants, presque autant que le sous-continent indien. L’Afrique devrait abriter 2,5 milliards d’habitants en 2050, selon les prévisions. En éliminant les goulots d’étranglement, et en accélérant son industrialisation, l’Afrique pourrait renforcer ses échanges et s’avancer plus fortement dans les chaines de valeur mondiales.

A cet effet, l’Afrique pourrait s’inspirer et bénéficier de la stratégie indienne de développement d’un secteur privé national performant capable non seulement de tirer la croissance intérieure, mais aussi tenir la compétition sur la scène internationale. Dans le contexte actuel où l’intégration régionale représente une option résolue pour l’Afrique, les stratégies économiques et commerciales africaines vis-à-vis de l’Inde devraient être bâties autour des communautés d’intégration régionale (CER), en complément des politiques nationales.

Pour soutenir durablement l’industrialisation de l’Afrique, notre partenariat devrait également s’étendre à la réalisation d’infrastructures structurantes, notamment énergétiques, portuaires, routières, ferroviaires aéroportuaires, etc.

Il faut considérer également le développement d’un capital humain indispensable pour soutenir l’innovation technologique sur le continent. L’expertise indienne permet la formation d’un nombre de plus en plus important de jeunes africains. Les programmes d’attribution de bourse d’études et la mise en place du projet de réseau panafricain des services en ligne qui connecte une cinquantaine de pays africains sont à saluer et à approfondir.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Pour ce qui est spécifiquement de mon pays, la Côte d’ivoire, les réformes structurelles et sectorielles mises en œuvre depuis 2011 ont permis d’obtenir des résultats très encourageants, avec notamment un taux de croissance économique annuel moyen de 9 % au cours des cinq (5) dernières années, faisant de notre pays l’une des économies les plus dynamiques du monde. Le taux d’inflation moyen est contenu à moins de 2 %, et le déficit public est établi à 3,4% sur la même période. Comme vous le savez certainement, l’agriculture est le secteur dominant de l’économie ivoirienne. Elle contribue à environ 22 % du PIB ; représente 2/3 des emplois et 67 % des recettes d’exportation. Par ailleurs, 90 % de nos produits agricoles sont exportés sous forme primaire.

Le Gouvernement s’est donc engagé à faire du développement de l’agro-industrie, sa priorité. A cet effet, notre pays s’est doté d’une politique industrielle audacieuse orientée sur une plus grande transformation de nos produits de base par le secteur privé national et international. Ainsi, et à titre d’exemple, pour le cacao pour lequel nous sommes le premier producteur mondial avec près de 2 millions de tonnes. Nous souhaitons porter la première transformation, actuellement de 33 %, à au moins 50 % de la production de fèves de cacao à l’horizon 2020.

Pour l’anacarde, pour laquelle nous sommes également premier pays producteur mondial avec plus de 700.000 tonnes actuellement, avec une prévision de un (1) million de tonnes en 2020. Nous souhaitons parvenir à un taux de première transformation de 100 % en 2020/2025, grâce notamment à des joint-ventures.

A ces actions, s’ajoutent un investissement significatif dans les infrastructures économiques, notamment de transport et d’énergie afin d’accompagner cette transformation structurelle.
Ainsi, en ce qui concerne le secteur des transports, le Gouvernement a mis à niveau environ 30.000 km de routes et 250 km d’autoroutes sur toute l’étendue du territoire national.
Dans le domaine énergétique, l’objectif est de faire de notre pays un hub énergétique en portant la capacité installée en électricité de 2000 MW à ce jour à 4000 MW en 2020. Il s’agit de porter la capacité des centrales thermiques existantes, notamment CIPREL de 556 MW à 900 MW, et celle de AZITO de 430 à 700 MW avant 2020. De nombreux autres projets sont en cours ou en attente dans le secteur de l’hydraulique, du solaire, de la biomasse, et même du charbon.

La création de la Zone Franche de Biotechnologie et des Technologies de l’Information et de la Communication offre, avec le Parc technologique Mahatma Gandhi, la plus grande infrastructure de haute technologie de la sous-région Ouest africaine, un espace d’investissement privilégié dans les TIC. Avec 244 hectares aménagés, cette Zone Franche est aujourd’hui, la zone la plus attractive pour investir dans notre région.
Dans tous ces secteurs, le secteur privé indien peut y jouer un rôle plus prépondérant, à l’instar de sa présence dans les pays de la corne de l’Afrique et de l’Afrique australe.

Excellences, Mesdames et Messieurs

L’industrialisation et le commerce international sont l’avenir de l’Afrique, un continent d’opportunités et de prospérité. Construire cet avenir avec un solide partenariat gagnant-gagnant, avec ce grand pays qu’est l’Inde, est une proposition que nous approuvons pour notre part totalement. Il s’agit maintenant de la mettre véritablement en œuvre et ouvrir ainsi à la jeunesse africaine, cette fenêtre de prospérité qu’elle appelle de tous ses vœux


Je vous remercie de votre aimable attention.