LUTTE CONTRE LA CHERTE DE LA VIE : INTERVIEW DU PREMIER MINISTRE PATRICK ACHI SUR LA CHAINE NATIONALE RTI1, LA NOUVELLE CHAINE IVOIRIENNE (NCI) ET SUR LA RADIO COTE D’IVOIRE, LE LUNDI 11 JUILLET 2022 A ABIDJAN

Monsieur le Premier Ministre, vos concitoyens se plaignent de la flambée des prix des denrées alimentaires. On vous a vu dès les premières heures de cette inflation, sillonner les marchés. Est-ce que vous percevez ? Est-ce que vous entendez le cri du cœur des populations ivoiriennes ?

Merci de me donner l’occasion de m’adresser aux populations sur un sujet d’actualité d’une telle importance qui mérite effectivement que nous donnions plus d’informations sur les actions qu’entreprend l’Etat. En ce qui concerne votre question plus spécifiquement du ressenti, oui, le Président de la République, le gouvernement est aux côtés des populations, est dans les populations, est avec les populations. Comme vous le savez, un certain nombre de membres du gouvernement, moi-même, je suis président du Conseil régional, je suis député, donc régulièrement au contact de mes populations, de mes administrés. Nous discutons, nous échangeons. Je sens véritablement l’impact de ce phénomène sur ces populations-là. Et c’est pour cela que le gouvernement n’est pas resté insensible. Le gouvernement a été extrêmement réactif comme d’ailleurs nous l’avons été au début de la période de la Covid-19.


Monsieur le Premier ministre, vous venez de le dire, vous êtes au contact des populations. Vous êtes allé sur le terrain, on vous a vu sillonner les marchés. Est-ce que vous-même, personnellement Premier ministre de Côte d’Ivoire, vous ressentez cette cherté de la vie dans vos poches et dans vos assiettes ?

Oui, moi-même personnellement, comme je le dis, je ressens cette cherté de la vie. Au-delà de faire la visite des marchés, de discuter avec les commerçants et les marchands qui me disent à combien était le prix de tels produits il y a quelques mois, combien est le prix de ce produit aujourd’hui, au-delà des statistiques que me donne le ministre du Commerce et de l’Industrie qui suit régulièrement les statistiques de ces produits, comme je vous l’ai dit, quand je vais auprès de mes administrés et ça m’arrive d’aller et de prendre des repas avec eux. Lorsque je parle également avec leurs épouses, elles m’expliquent combien a coûté tel ingrédient dans le repas. Quelle est effectivement dans leurs bourses et dans leurs ménages, la proportion qui est consacrée à l’alimentation, comment ça a évolué. Donc oui, je suis au quotidien cela, je le ressens personnellement et à travers mon entourage immédiat, parce que, comme vous le savez, les populations parmi elles, ce sont nos parents, ce sont nos amis, ce sont nos collaborateurs, ce sont également nos administrés. Donc, on est en permanence au milieu des populations. On vit en permanence au niveau des populations. Donc oui, on le ressent. Et c’est pour cela qu’on ne reste pas indifférent, que le chef de l’Etat a donné des instructions claires, fermes, pour que ce phénomène soit jugulé dans les meilleurs délais et de la meilleure manière possible afin de réduire la pénibilité qu’elle pourrait constituer.


Donc, vous ressentez cette cherté de la vie, mais quelles sont les causes de la cherté de cette vie ?

Les causes de cette cherté de la vie tirent leurs sources d’abord, dans les premiers moments de la Covid-19. Comme vous le savez, pendant cette période de Covid-19, la quasi-totalité de la population mondiale a été confinée, les systèmes de production se sont carrément arrêtés. Ça a impacté les chaînes logistiques et donc ça a commencé à avoir un impact sur le coût de la vie, sur le renchérissement des produits. Mais ça a pris vraiment toute son ampleur avec la récente guerre en Ukraine et en Russie. Comme vous le savez, la Russie est un exportateur majeur de produits pétroliers, de gaz et également de céréales, de produits de matières premières pour la fabrication des engrais.

Vous savez également que l’Ukraine est l’un des plus gros producteurs de céréales. Donc automatiquement, cette crise a entrainé sur le marché le renchérissement du coût du pétrole qui a quasiment doublé, du prix des engrais qui a carrément triplé, le coût des frets qui a carrément triplé également, les prix du clinker, en fait tout un certain nombre de produits, de denrées de première nécessité, de produits de consommation que nous utilisons couramment aujourd’hui. Donc voilà les causes principales du renchérissement du coût de la vie aujourd’hui que nous devons bien sûr assumer et face auquel nous avons pris des mesures, comme je l’ai dit, vigoureuses et réactives.


Justement, monsieur le Premier Ministre, les Ivoiriens disent ne pas ressentir l’impact de ces mesures. Vous êtes un Premier ministre qui est au contact de la réalité. Qu’est-ce que vous leur répondez ?

Je vais essayer peut-être de faire les choses simples. Le super est à 735 francs mais si on devait répercuter la totalité de l’augmentation liée au renchérissement des coûts sur le prix du super, combien on paierait ? Le gouvernement a fait le calcul, on paierait 1120 Francs. C’est à dire que si tu prends dix litres au lieu de 7350, c’est 11 200 que tu paierais. Ce qui veut dire que lorsque tu vas à la station et que tu prends dix litres de carburant et que tu paies effectivement 7350, l’Etat à côté paye 3850, tu ne le vois pas. Quel est le prix du gasoil ? Le prix du gasoil est à 615. Mais si, compte tenu du renchérissement des prix au niveau mondial, parce que ce n’est pas uniquement en Côte d’Ivoire, ce phénomène là, si on devait impacter sur toi le consommateur la totalité de cette augmentation, combien tu paierais le litre de gasoil ? Ce n’est pas 615 Francs, c’est 1130 Francs. Donc pour dix litres de gasoil plutôt qui te coûtent 6150 francs, en fait, tu devrais payer 11 300.

Donc l’Etat paye 5150 francs chaque fois que tu prends dix litres de gasoil. Quand tu sors de la station, tu laisses une ardoise que l’Etat paye. Donc l’Etat est présent au côté des populations. L’Etat fait un effort. Ces subventions sont extrêmement importantes depuis la survenue de la crise, c’est près de 400 milliards de francs CFA que ça a coûté à l’Etat. Ce sont les efforts faits par l’Etat, entre autres. Ce n’est pas le seul effort, ça ce sont les subventions. En plus des subventions, l’Etat a procédé au plafonnement des prix. Le plafonnement des prix veut dire là également que si on laissait le renchérissement des coûts et l’augmentation des coûts résultant donc de cette distorsion mondiale, impacter les populations, elles paieraient un certain nombre de produits beaucoup plus cher qu’elles ne payent aujourd’hui.

Et dans ce cas de plafonnement, ça touche beaucoup de denrées dont les denrées de première nécessité, puisque ce plafonnement aujourd’hui touche environ 21 produits. Initialement, ce n’était que quatre produits mais on l’a élargi justement, dans le cas de cette crise-là, à 21 produits plafonné dans les denrées de première nécessité, l’huile, le sucre, le lait, la farine boulangère, tout un certain nombre de produits. Prenons le cas de l’huile spécifiquement et de son plafonnement. Aujourd’hui, comme vous le savez, l’huile est fabriquée en Côte d’Ivoire à partir de graines de palme. Donc, lorsque le cours mondial monte, le prix du kilo de la graine de palme augmente. Si on devait payer aux populations, aux producteurs de graines de palme, le vrai prix de leurs produits, on paierait le kilo à 125 francs. Mais si on paye le kilo de graines à 125 francs, l’usinier, qui produit l’huile raffinée, devrait vendre le bidon de 25 litres à environ 36 000 Francs. Mais 36 000 Francs, c’est excessif. Donc, il faut faire en sorte de plafonner, de faire en sorte que la totalité du prix ne soit pas répercutée sur le producteur.

Donc nous demandons au producteur de revoir sa marge plutôt qu’on le lui paye à 125 francs le kilo. Il accepte qu’on lui paye à 80 francs. On demande également aux transformateurs, à l’usinier de faire des efforts pour aboutir au bidon de 25 litres qui coûte environ 26 500, plafonné à 26 500. Donc voilà le mécanisme de plafonnement. Le mécanisme de plafonnement, ce n’est pas que les prix ne sont pas impactés parce que, comme vous le voyez, le marché mondial a connu un renchérissement de tous les produits. Si on devait répercuter cette augmentation sur les populations, elle serait intenable. Donc on fait en sorte de l’augmenter mais de ne pas dépasser un palier en discutant avec tous les acteurs. Je voudrais d’ailleurs remercier ici l’énorme travail qu’a fait le ministre du Commerce qui a rencontré les industriels et les commerçants, les importateurs, secteur par secteur, pour leur demander dans ce cas de crise, de collectivement s’associer à l’action de l’Etat pour réduire l’impact sur les populations en réduisant leurs marges. Donc le plafonnement est un élément extrêmement important de la politique.


On vous entend bien subvention, plafonnement des mesures prises par l’Etat, mais sur le terrain, on a des mesures qui sont prises mais qui ne sont pas respectées sur le terrain. Sur l’ensemble du territoire, on ne paye pas le lait au même prix. Le plafonnement n’est pas respecté sur le territoire. Que fait concrètement le gouvernement, pour faire en sorte que ces mesures sur le terrain soient respectées ?

Alors le niveau des prix plafonnés sont mis à disposition et ils sont consultables. Mais sur le terrain, nous avons renforcé de façon significative le dispositif de contrôle, non seulement dans son ampleur, mais dans son intensité. Depuis la survenue de la crise c’est environ 35 000 contrôles qui ont été effectués. Et au cours de ces contrôles, c’est vrai, nous nous sommes rendus compte qu’il y a 2000 cas de non-respect des prix que nous avons constatés, de fraudes qui d’ailleurs ont été sanctionnées puisqu’il y a un dispositif de sanctions qui existe ou des pénalités.

Des amendes ont été payées par ces fraudeurs le mois dernier, au cours du mois de mai, je crois qu’on a dû faire payer environ 87 millions de Francs d’amende.
Donc ces contrôles sont importants. Ces contrôles sont renforcés, ces contrôles vont continuer, je dirais de plus en plus. Ils vont s’intensifier également en milieu rural, sur l’ensemble du territoire national.


Monsieur le Premier ministre, ici quelques chiffres relevés au mois de mai concernant l’inflation dans la sous-région, l’espace UEMOA, le Burkina face au 15.3, le Sénégal 7.4, le Togo 8, Mali 9.7, le Ghana 27 et la Côte d’Ivoire 4.3. C’est un taux, quand on regarde la norme communautaire au sein de l’UEMOA qui est de 3 %, c’est un taux qui est remarquable par rapport à la situation exceptionnelle que nous observons aujourd’hui. Est ce qu’on peut l’attribuer aux mesures que vous avez prises ?

Naturellement, le président de la République, qui est quand même un éminent économiste, assez à l’aise sur ces questions et il connaît exactement quels sont les leviers de l’inflation. Donc, très rapidement, les mesures qui ont été prises, avaient pour objet de contenir cette inflation. C’est pour ça qu’aujourd’hui, dans la sous-région, mais même ailleurs, vous avez cité la sous-région. Mais je prendrai les pays européens où je dirais le taux d’inflation a dépassé les deux chiffres. Je ne dis pas qu’il n’y a pas un impact sur les populations.

Ce que je dis, c’est qu’on comprend et on compatit sur le fait que les prix ont effectivement augmenté par rapport aux prix que nous avions. Ce que nous disons, c’est que nous avons tout fait pour contenir cette augmentation. Afin que la totalité du renchérissement des coûts, qui impacte le pays et d’ailleurs tous les pays du monde, cette répercussion, soit la plus faible possible sur le consommateur ivoirien.


L’un des produits les plus sensibles dans la lutte contre la vie chère, c’est le gasoil. Quand on sait que le coût du baril du pétrole ne cesse de grimper sur le marché mondial, combien de temps la Côte d’Ivoire, peut continuer de résister, de tenir la barre ?

Cette question ne s’adresse pas uniquement à la Côte d’Ivoire. Je dirais qu’est-ce que le monde doit faire pour effectivement tenir ses engagements. Pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire, justement, vous parlez du gasoil, le gasoil et donc de ces combustibles qui impactent le plus la population. Il impacte le transport des personnes, il impact le transport de marchandises et donc il a un effet multiplicateur sur le renchérissement des coûts au niveau de la nation et de l’inflation.
C’est pour ça d’ailleurs que vous remarquerez que depuis que le Président Alassane Ouattara est au pouvoir, le prix du gasoil n’a jamais excédé 620 Francs.

La quasi-totalité du temps, il a été maintenu à 615 Francs, pour justement éviter cet effet multiplicateur et donc c’est un des axes majeurs qui est fait. Au-delà de ça, nous avons également un certain nombre de mesures qui sont prises relativement à la maitrise du coût de la vie. Ça concerne donc les produits. En plus des subventions, en plus du plafonnement, nous avons également une disposition qui a été mise en place. Nous avons soumis à autorisation l’exportation d’un certain nombre de denrées alimentaires telles que le manioc, la banane plantain, l’igname, en fait un certain nombre de denrées consommées localement, mais qui, lorsqu’elles deviennent rare, connaissent des augmentations significatives sur le marché.


Dans les causes dont vous avez évoqué pandémie de la Covid-19, vous avez parlé de la crise russo-ukrainienne. Ce qu’on ne comprend pas et qu’on aimerait que vous expliquiez ce soir, c’est comment et pourquoi les produits locaux sont impactés, parce-que ce sont des produits faits localement qui ne subissent notamment les causes internationales ?

C’est vrai qu’en dehors de ces facteurs externes qui influencent les prix sur notre marché, il y a la question qui concerne les produits locaux de la saisonnalité. Vous savez que la plupart des cultures vivrières sont cultivées selon le mode de la culture pluviale. Donc cela veut dire que dans certaines saisons, vous avez une quantité importante de produits sur le marché, donc les prix sont relativement bas. Ces produits sont disponibles et à d’autres saisons, ces produits sont rares, leurs prix augmentent. Donc l’objectif, c’est bien sûr de faire en sorte que ce prix soit régulé et que cette production soit régulée et qu’on ait accès à ces produits tout au long de l’année à des prix abordables par les populations. Moi, je vous donne un exemple que j’ai vécu.

Etant très jeune, à moins de cinq ans, je vivais avec ma grand-mère à Abobo-Akéikoi. Donc à Abobo, à ceux qui sont d’Abobo gare, donc connaissent bien Abobo-Akéikoi et nous allions batifoler jeune, dans cette rivière de la Djibi qui se trouve entre Abobo, Akéikoi et Anyama, Adjamé. Et là, tout au long de cette rivière, nous avions une immense plantation de ce qu’on appelle banane-poyo, la banane dessert qui était donc irriguée, mécanisée, qui avait des plants sélectionnés qui avaient des intrants, de l’engrais et donc qui était produit régulièrement tout au long de l’année.

Mais à côté, nous avions, nous, les plantations de banane plantain de ma tante. C’était quelques pieds ici et là plantés et qui produisaient donc une partie de l’année et pour une autre partie de l’année, ne produisaient pas. Donc face à cette situation de production, on voit bien qu’on ne fait pas assez pour les plantations de banane plantain exactement comme ce qui se fait pour la banane poyo, c’est-à-dire avoir sur des surfaces irriguées, aménagées, la possibilité d’avoir des plants de plantain sélectionnés de façon à pouvoir produire en quantité tout au long de l’année et permettre ainsi, comme je l’ai dit, de réguler les prix mais surtout de rendre ces produits disponibles et abordables pour les populations.


Est ce qu’on a une politique agricole ?

Oui, nous avons, nous avons une politique agricole naturellement liée à ce phénomène. Aujourd’hui, le problème, ce n’est pas seulement juste de produire, mais c’est de produire à un coût abordable par les populations et, comme je l’ai dit, à produire de façon régulière. L’un des axes majeurs de la politique du Président de la République qui est clairement exprimée dans sa vision 2030 et son plan de développement actuellement en cours 2021-2025, c’est une modernisation de l’agriculture dans le pays, en particulier sur ses cultures vivrières, parce que les modes de consommation ont changés. Il y a quelques décennies, les populations étaient surtout en milieu rural, donc on plantait ici et là quelques cultures vivrières, derrière sa maison ou pas loin du village et on se nourrissait de ça et on concentrait ses efforts sur la plantation de cultures de rente qui permettait de générer des revenus.

Aujourd’hui, quand vous regardez, les modes de vie ont changé, les modes de consommation ont changé et plus de 50% de la population vit dans des zones urbaines, en pleine agglomération, avec donc des demandes relativement fortes de ces produits. Vous voyez bien que vous ne pouvez pas satisfaire cette demande avec des modes de production qui ne sont pas en adéquation avec le mode de vie. Donc, la politique qui est utilisée là, c’est véritablement de développer des zones agropoles, donc ce qu’on appelle des agropoles. Neuf agropoles vont être construites sur l’ensemble du pays. Je crois que l’Agropole centre est déjà en cours. Dans quelques jours, je vais lancer l’Agropole nord. Ça consiste à construire sur l’ensemble du territoire national, des périmètres hydro agricoles, qui vont permettre aux producteurs, avec des fermes semencières, avec la disponibilité des intrants, avec de la mécanisation, de produire des quantités importantes, non seulement de produits destinés à l’exportation, mais des produits de consommation locale qui seront donc accessibles aux populations toute l’année et à des prix relativement abordables.

Parce que la question aujourd’hui, en vérité, ce n’est pas juste de produire comme ça, localement. Beaucoup de pays dans le monde sont confrontés à cette réalité, surtout depuis la covid, mais encore plus avec la guerre russo-ukrainienne. Ce n’est pas seulement la sécurité alimentaire, c’est la souveraineté alimentaire, c’est le terme qui est utilisé aujourd’hui. C’est-à-dire, non seulement, produire mais produire tous les biens dont le pays a besoin pour se rendre le plus indépendant possible, dont les produits de consommation et les produits alimentaires pour ne pas dépendre de l’extérieur et des chocs qui pourraient survenir.


Parlons justement de cette souveraineté alimentaire. Vous évoquez des projets, vous parlez de la politique agricole, vous parlez des projets de modernisation. L’Ivoirien pourrait vous dire ce soir, Monsieur le Premier ministre, à quand la concrétisation ? Quand est-ce que cela va impacter notre vécu, notre quotidien ?

Déjà un certain nombre de mesures sont prises par l’Etat, dont l’appui au secteur du vivrier, les femmes, les personnes qui font aujourd’hui du vivrier reçoivent un appui en équipement, un appui financier qui leur permet d’accroître la production. Mais également, comme vous le savez, je le disais tout à l’heure, la politique où on soumet à autorisation préalable toute exportation de produits vivriers vers l’extérieur qui permet donc de maintenir ces produits dans le pays pour pouvoir avoir un meilleur équilibre offre demande. Au-delà, bien sûr, comme je le disais, nous avons un programme que nous sommes en train de mettre en œuvre, que nous avons commencé, qui va donc dans un horizon d’ici à 2025, région après région, nous allons donc changer, comme je l’ai dit, les modes de production. Il faut bien savoir que c’est tout un ensemble de choses parce qu’il faut déjà former les acteurs eux-mêmes. Il y a un problème de formation. Il faut donc leur donner accès à la technologie. Il faut leur donner accès aux financements. Il faut leur donner accès à l’encadrement et c’est tout un système qui se met en place progressivement.

Donc je dirais que déjà, dans un horizon, on peut dire court moyen terme, horizon 2025, des changements majeurs vont apparaître, qui permettront sur le temps de revenir à une situation qu’on pourrait dire de normalité, de satisfaction des besoins locaux, en tout cas nationaux, par rapport à l’offre disponible aujourd’hui, surtout sur les questions des produits et des denrées alimentaires. Mais vous savez, ce n’est pas uniquement sur la question des denrées alimentaires que ce phénomène survient. Je me souviens très bien et certains parmi vous justement, ont certainement dû en entendre parler pendant les pires moments de la Covid 19, le Président a donné instruction pour que par anticipation, nous achetions les doses de vaccins dont nous avions besoin. Donc la Côte d’Ivoire a passé des commandes, dans un certain nombre de pays au monde producteurs de ces vaccins-là. Mais on nous a dit, au moment où ces commandes se passaient, que les délais de livraison allaient être de 30 jours, de 60 jours.

Donc on a mis en place tout un programme de vaccination, le ministre de la santé, pour que l’on ait les doses disponibles pour pouvoir vacciner nos populations. Mais qu’est-ce que ce qui arrive ? C’est qu’au moment où les 30 jours sont échus et qu’on doit vous donner vos produits, le fournisseur vous dit que le politique au niveau de ce pays a décidé, compte tenu de ses propres besoins en vaccins, que plus aucun vaccin ne sera exporté. Donc vous êtes en train d’attendre alors que vous avez déjà payé et que vous devez recevoir, vous êtes en train d’attendre que le pays lève son embargo pour qu’on puisse enfin vous livrer aux vaccins. Mais c’est arrivé à certains pays africains, mais c’est arrivé à certains pays occidentaux. D’où ce concept de souveraineté non seulement sur les produits alimentaires, mais sur la plupart des marchandises, des besoins que vous avez, tout ce que vous pouvez faire pour produire le maximum de ce que vous consommez, de ce que vous utilisez. Et c’est la voie que le Président de la République nous a demandé de suivre. Et il nous a donné instruction de mettre en œuvre un certain nombre de projets agricoles mais également industriels.


Pour revenir justement sur la cherté de la vie. Vous avez parlé de l’horizon 2025 ? Monsieur le Premier ministre, allons-nous attendre 2025 pour que la vie ne soit plus chère en Côte d’Ivoire ?

Ce que j’ai dit, c’est que aujourd’hui, nous sommes en train de mettre en œuvre tout un système, certains disent un bouclier, pour essayer de faire en sorte que des phénomènes totalement extérieurs au pays sur lequel le gouvernement n’a aucune responsabilité et qui s’imposent à nous et qui nous impactent et contre lesquels nous faisons des efforts que je vous dis, 400 milliards, ce sont des ressources relativement importantes qui, dans un pays, peuvent être affectées à d’autres types de dépenses sociales, mais que nous sommes obligés de consacrer à couvrir les surcoûts pour que la population ne soit pas impactée.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’attendre trois ans. Le monde entier a les yeux aujourd’hui rivés sur ce qui se passe à l’extérieur et qui cause ce phénomène.
Le Président de la République, quand il se lève le matin, la première chose qu’il regarde, ce sont les cours du baril pour voir s’ils baissent, pour voir si véritablement on va pouvoir enfin réduire ces subventions. Ce qu’il regarde en terme d’actualité, c’est qu’est ce qui est en train de se passer pour toutes les mesures qui sont prises afin d’apaiser la situation russo-ukrainienne pour qu’enfin le monde puisse être libéré. Donc, sur cette situation là, ce que je dis, c’est que ce sur quoi on peut agir, nous on va faire le maximum, ce sur quoi on ne peut pas agir et qui impacte le monde entier, nous allons également, certainement agir par les voies diplomatiques, mais ça c’est au niveau du Président de la République, contribuer à ce que la situation dans cet espace s’apaise pour que le monde entier puisse bénéficier de cet apaisement. Mais nous, à notre niveau, c’est de faire en sorte chaque jour que la population que nous avons en charge soit la moins impactée possible dans les denrées de première nécessité, surtout pour les populations vulnérables. Et cela, nous le faisons.

Comme je vous l’ai dit, les contrôles vont s’intensifier. Des actions vont être prises en termes de production pour que ces produits-là soient déjà disponibles. Dans la situation où l’on est, il y a des pays où on ne parle même pas du prix de ces produits. On parle déjà de leur disponibilité, et ils ne sont même pas disponibles. Donc déjà, il faut les rendre disponible. Ensuite, il faut faire en sorte que l’impact sur les populations, surtout les populations les plus vulnérables, soit le plus faible possible.


Et ça, c’est dans le court terme ?

C’est dans le court terme. C’est notre quotidien. Chaque jour, quand nous nous levons le matin et je vous ai dit nous avons reçu instruction du Président, la cherté de la vie est au cœur de la préoccupation et de l’action gouvernementale. Chaque ministère concerné dans son domaine, on lui demande de voir quels sont les efforts qui doivent être faits pour atténuer ce phénomène de cherté de la vie et permettre à nos populations d’avoir une vie décente, qui est en fait l’objectif qui nous a été assigné par le Président de la République.


Monsieur le Premier Ministre, nous sommes au terme de cet entretien face aux préoccupations légitimes des Ivoiriens. Que voulez-vous leur dire, pour apaiser leurs craintes ? Pour les rassurer en quelque sorte ?

Je pense que, il y a certainement un message à adresser aux populations. Il y a également un message à adresser aux organisations, aux partis et groupements politiques ainsi qu’aux organisations de la société civile. Je pense que quand on est face à un fléau et un défi majeur de cette nature, il faut savoir être solidaire, se mettre ensemble pour relever ce défi. C’est la marque des grandes nations, c’est la marque des grands Etats. Et je voudrais remercier justement un certain nombre de ces partis politiques et d’organisations de la société civile qui ont une attitude de responsabilité et de citoyenneté, qui ont conscience de l’origine de ces phénomènes, qui ont conscience de ce que le gouvernement fait, est extrêmement important et qui contribue, je dirais, à ce que la situation s’apaise et qu’ensemble, nous nous concentrions sur la chose la plus importante, faire en sorte que nos populations ne souffrent pas trop de ce phénomène, qu’elles aient une vie décente comme je l’ai dit, où le coût de la vie soit abordable. Mais, il faut le reconnaître, il y a également quelques organisations qui, et c’est dommage, cherchent à utiliser ce phénomène pour en faire un argument politique.

Je pense qu’honnêtement, ce n’est pas le moment, ce n’est pas l’opportunité. Il faut véritablement tous se mettre ensemble comme on l’a été pour la Covid 19, pour aider le pays et les populations surtout à tenir cette situation difficile et à sortir de cette crise. Le deuxième message, je pense qu’il s’adressera certainement aux opérateurs économiques aux producteurs, aux transformateurs, aux commerçants, aux distributeurs, pour les remercier également des efforts qu’ils font. Je vous dis que les prix que vous observez et qui sont pratiqués sur les marchés sont pratiqués en faisant en sorte que la totalité de l’augmentation qui nous est imposée ne leur soit pas répercutée. Donc soit ce sont donc les subventions que nous faisons, et c’est surtout le plafonnement que nous pouvons faire grâce au fait qu’eux soient d’accord de réduire une partie de leurs marges afin que, comme je l’ai dit, l’impact sur la population ne soit pas trop grand.

Donc je voudrais les remercier pour cela, que ce soit des producteurs, des transformateurs, je voulais les remercier, mais également dire à un certain nombre d’entre eux qui tirent profit de ce moment extrêmement difficile pour le gouvernement qui chaque jour est en train de chercher des solutions, qu’utiliser ce moment là pour faire de la fraude, faire de la spéculation, pour pouvoir essayer d’accroître la peine sur les populations, il faut leur dire que ce sont des situations que nous ne pouvons pas accepter et que les sanctions vont être de plus en plus fortes et que nous resterons intraitables vis-à-vis de ces personnes qui sont à notre avis totalement en dehors de la réalité et ont des pratiques qui sont comme je l’ai dit, inacceptables.


Peut-on avoir une idée de ces sanctions ?

Elles seront discutées au gouvernement et vous le saurez naturellement en temps opportun, dans quelques semaines. Mais pour terminer, c’est surtout à la population que je voudrais m’adresser pour lui dire de rester confiante. La situation de Covid nous a mis dans un contexte de terreur à nul autre pareil. Quand on a regardé ces avalanches de cas, des centaines de milliers par jour, des dizaines de milliers de morts par jour, tout le monde a dit l’Afrique, ce sera l’hécatombe. Le chef de l’Etat a réuni en comité de crise le gouvernement, des anticipations ont été faites, des matériaux ont été achetés et tous on s’est mis ensemble pour vaincre ce fléau. Et je peux dire que pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire, nous avons eu des satisfécits de nombreux pays de par le monde.

Ça nous a réussi, les décisions qui ont été prises ont été opportunes et on a pu atténuer ce phénomène-là. On a pu le gérer, on est passé. Malheureusement, on aurait voulu qu’il en soit autrement après ce phénomène sur lequel on peut dire que les populations ont connu des fortunes diverses, survient, je dirais, cette crise de renchérissement du prix. Moi, je pense personnellement que c’est encore un autre défi, ce fléau qu’il va falloir surmonter et c’est le chemin et l’aventure des grandes nations. La vie d’une nation comme celle de l’homme, cette aventure de la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Elle est faite de difficultés, elle est faite de moments de joie. Elle est faite de défis qu’il faut relever, trouver des énergies dans ces moment-là, apprendre justement les valeurs de l’union, les valeurs du rassemblement, les valeurs de la puissance d’être ensemble, ces valeurs que nous inculquent et que nous demande de véritablement partager le Président de la République.

C’est dans ces moments-là qu’il faut se mettre ensemble. Donc je dis aux populations d’abord d’être rassurées parce que le gouvernement est proche d’eux. Le gouvernement est conscient de la peine que ça cause aux populations, aux ménages et chaque jour travaille à cela. Et que le gouvernement fait de cette question la priorité des priorités. Chaque jour, quelque chose peut être fait. Mais nous demandons également à ces populations là, de réagir quelquefois, nous avons un numéro vert qui permet effectivement de dénoncer des acteurs qui viennent et qui pratiquent des prix qui ne sont pas ceux qui sont plafonnés. Il faut le dénoncer, il faut le signaler pour permettre à l’Etat de réagir.

Mais comme je l’ai dit et pour mot de la fin, je souhaiterais vraiment leur dire, qu’ils soient rassurés, qu’ils ont un gouvernement à la tâche, qu’ils ont un gouvernement et un Président de la République qui, chaque jour fait de leurs préoccupations le centre de leur action et que nous n’avons aucun doute que si nous restons ensemble, solidaires, unis, nous pourrons poursuivre ce chemin de la Côte d’Ivoire que nous poursuivons à côté du Président de la République. Ce chemin qui va nous conduire vers "Une Côte d’Ivoire toujours plus solidaire, une Côte d’Ivoire toujours prospère". Faites-nous confiance.

Ci-après le fichier pour téléchargement

https://www.gouv.ci/doc/1657802026LUTTE-CONTRE-LA-CHERTE-DE-LA-VIE-INTERVIEW-DU-PREMIER-MINISTRE-PATRICK-ACHI-LE-LUNDI-11-JUILLET-2022-A-ABIDJAN.pdf