Gros plan

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Préservation du patrimoine forestier

L’agro-foresterie, une solution à la déforestation
De 16 millions d’hectares au début des années 1960, le couvert forestier ivoirien ne représente plus que 3 millions d’hectares en 2018. Face à cette situation, liée à une exploitation abusive et incontrôlée, le gouvernement a élaboré en 2018 une nouvelle politique de gestion forestière, dont l’objectif est de reconstituer 3 millions d’hectares de forêt d’ici à 2030.

Lundi 18 juin 2018. Il est 19 heures. Nous sommes à Yakassé-Mé. Un village situé à la lisière de la forêt classée de Yapo-Abbé, sur l’axe Azaguié-Adzopé, à une soixantaine de kilomètres au Nord-Est d’Abidjan. Un camion immobilisé par des agents des Eaux et Forêts dévoile un contenu particulier. Des planches et des chevrons, mais également des exploitants de bois clandestins qui s’apprêtaient à écouler la marchandise frauduleuse. Une foule les a encerclés. Les villageois expriment leur mécontentement. « Ce sont ceux-là qui ruinent tous les efforts du gouvernement pour reconstituer nos forêts », s’exclame Philippe Bessin, un ressortissant du village. Trois jours plus tard, accompagné de l’Unité de Gestion Forestière (UGF) de la forêt classée de Yapo-Abbé, nous allons à la découverte de cette aire protégée, d’environ 29 000 hectares. Objectif : nous imprégner de l’avancée du processus de reforestation qui y est en cours. Sur notre itinéraire au cœur de la forêt, nous découvrons ici et là divers objets témoignant d’activités humaines. Des restes d’abris de fortune, des nattes, des ustensiles de cuisine, des sacs qui semblent avoir contenu du charbon, etc.  « Ces objets appartiennent aux exploitants forestiers clandestins, auteurs des abattages illicites d’arbres protégés.  Ils sont ensuite revendus sur les marchés, comme bois d’œuvre. Avec nos patrouilles, 9 exploitants clandestins ont pu être appréhendés au premier semestre 2018 », nous dit le Chef de l’Unité, le Capitaine Kabolaha Traoré.  Il rappelle aussi qu’en 2017, onze (11) clandestins avaient été appréhendés et traduits devant les tribunaux.


Notre visite continue. Quelques centaines de mètres plus loin, des paysans en pleine activité champêtre. Certains sèment du maïs. D’autres font le piquetage de boutures de manioc. Face à notre étonnement de voir que ces derniers ne semblent nullement inquiets de la présence des agents des Eaux et Forêts, le capitaine Traoré nous donne des éclaircissements. Ces agriculteurs exploitent une parcelle aménagée avec l’accord des agents forestiers. Ces arrangements officiels entrent dans le cadre du reboisement, à travers le développement de l’agro-foresterie. Cette technique, qui consiste à associer sur un même terrain des arbres et des cultures, enrichit les sols et favorise la reforestation.  « De nombreux paysans ont arrêté les défrichements illégaux pour prendre part aux programmes de reboisement de la Société de Développement des Forêts (SODEFOR).  En 2017, ce sont 233,97 hectares qui ont été reboisés dans cette forêt, contre 142 ha en 2016 », souligne le Capitaine Traoré, relevant que le reboisement est au cœur de l’action gouvernementale. Soucieux de restaurer son patrimoine forestier, le gouvernement, à travers la SODEFOR, a élaboré un plan de reboisement qui prévoit le planting d’environ 35 000 hectares d’arbres par an. Cette initiative est soutenue par d’autres programmes qui donnent des résultats déjà tangibles. Notamment “Planter un arbre pour la paix” ; “Je plante un arbre pour une Côte d’Ivoire plus verte” ; “Un citoyen, un arbre” et “Une école, 5 hectares de forêt”.


S’inscrivant dans une politique de développement durable, des actions volontaristes ont été engagées au plan institutionnel. Au nombre de celles-ci un séminaire gouvernemental sur la préservation de la forêt, le 13 novembre 2017 et un Conseil Présidentiel consacré à la préservation de la forêt, le 17 mai 2018. Déjà en 2013, le pays s’engageait dans le Programme pour l’application des règlementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT). Le gouvernement vient de définir le cadre juridique de la gestion de la forêt, en adoptant, le 20 juin 2019, le nouveau code forestier.


La politique gouvernementale est soutenue par d’importants investissements. En 2018, un plan national décennal de réhabilitation de la forêt, d’un coût de 616 milliards de FCFA, a été lancé. En outre, 4 milliards de FCFA ont été mobilisés en vue d’appuyer l’administration forestière. De même, 2,12 milliards de FCFA ont été investis pour financer le projet de gestion intégrée des aires protégées.  Avec ces efforts, le gouvernement entend parvenir d’ici à 2030 à la reconstitution de 20 % de son patrimoine forestier.

 Défis : “Zéro feu de brousse” en Côte d’Ivoire

Parvenir à “Zéro feu de brousse” dans un contexte où la culture sur brûlis est une habitude ancestrale, constitue pour le gouvernement un défi majeur. Pour la seule année 2016, les feux de brousse ont détruit plus de 1 100 hectares de forêts, contribuant ainsi à la déforestation du pays. Autre défi : le respect des engagements en faveur du “Climat Mondial” qui conseille une “Agriculture zéro déforestation”.

N°11/ Nov. 2019
Fortuné Sokossy
Etudiant en agronomie 

« Nous devons tout faire pour parvenir à une société dont les citoyens sont sensibilisés à la préservation de la forêt. C’est une question vitale ».

Séka Francis Dadié
Notable à Miadzin (Adzopé)

« La politique de reboisement du gouvernement est à saluer. Notre avenir est tributaire de la bonne gestion de la forêt ».
 

Landry Dadié
Exploitant agricole à Agou

«L’agro-foresterie promue par le gouvernement est un gage du développement durable de l’agriculture, notamment de la cacaoculture ».
 

Ludovic Atsé
Planteur à Diapé (Adzopé)

« Les populations ne doivent plus être complices des exploitants frauduleux qui détruisent nos forêts. Elles doivent informer les autorités compétentes de leurs activités illégales ».
 



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