ALLOCUTION DE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE A L’OCCASION DE SA VISITE AU CENTRE NATIONAL DE RECHERCHE AGRONOMIQUE (CNRA)

Le Premier ministre Guillaume Soro a visité le Centre National de Recherche Agronomique le mercredi 23 mai 2007. Au cours de cette visite, il a prononcé un discours dont nous vous proposons l’intégralité...

- Mesdames et Messieurs les Ministres,

- Mesdames et Messieurs les Chercheurs,

- Honorables invités,

- Mesdames et Messieurs,


Il n'est pas concevable que, dans un pays à vocation agricole comme la Côte d'Ivoire, la recherche agronomique ne tienne pas une place de choix dans la politique de Recherche scientifique du Gouvernement. En effet, toute politique de recherche scientifique, qu'elle vise la recherche fondamentale ou la recherche appliquée, a pour but ultime la quête d'un mieux-être pour les citoyens. Il s'agit avant tout, pour la Côte d'Ivoire d'améliorer le sort de ses planteurs et de leur permettre d'assurer la sécurité alimentaire de leurs concitoyens que nous sommes tous. C'est la raison pour laquelle les gouvernements qui se sont succédé se sont toujours attelés à trouver les formules les plus susceptibles de conduire l'agriculture ivoirienne à son meilleur niveau de développement. En effet, que seraient devenus notre palmier à huile, notre cocotier, notre café ou notre cacao, si l'Etat n'avait pas permis l'accroissement des moyens destinés à assurer un meilleur rendement des exploitations agricoles, une meilleure qualité des produits et une meilleure protection contre les agents qui ravagent les cultures ? Tous les Ivoiriens ont en mémoire l'immense travail accompli par les structures d'encadrement des paysans, mais aussi, hélas! L’énorme gâchis représenté par l'échec de certaines expériences nourries pourtant de bonnes intentions.



Ainsi que vous l'avez expliqué vous-même dans votre mémoire, la Déclaration de politique sectorielle de l'Agriculture avait l'ambition de doter la Côte d'Ivoire d'une structure de recherche efficace et capable de réaliser la transformation de l'agriculture nationale. La création du Centre national de recherche agronomique est donc une excellente initiative qui répond à cette préoccupation. Concernant le statut du CNRA, la Côte d'Ivoire, par souci d'efficacité, a pris, entre le dirigisme paralysant, où l'Etat dicte tout aux citoyens, et le libéralisme débridé, où chacun fait ce qui lui plaît, le parti d'une harmonieuse collaboration entre l'Etat et le secteur privé. C'est pourquoi la structure de votre capital n'exclut aucun des regroupements qui ont des intérêts avérés dans la filière agricole. Et, les organisations professionnelles agricoles et les agro-industries détiennent la majorité du capital, parce que les programmes de recherche comme les vôtres n'ont pas d'autre choix que de contribuer à l'amélioration de nos vies. A cet égard, aujourd'hui, le CNRA nous aide à construire une agriculture nationale à la fois moderne et modèle.



L'Etat, pour sa part, n'a aucun intérêt à se désintéresser, de votre secteur d'activité, parce que la recherche en matière d'agriculture est un des domaines où se manifeste le mieux la souveraineté de notre pays. C'est, en effet, l'Etat ivoirien qui détermine la politique agricole qu'il veut pour notre pays et qui crée les conditions dans lesquelles les entreprises exercent leurs activités.



Au vu des brillants résultats des activités du CNRA, ainsi que des lauriers récoltés par ses chercheurs, la Côte d'Ivoire a de bons motifs de satisfaction. Il ne suffit cependant pas de récolter des lauriers. Encore faut-il que le travail des chercheurs continue d'avoir une incidence positive sur l'agriculture et sur les activités liées à l'agriculture. Ici également, les résultats obtenus par le CNRA sont éloquents. Le Centre national de recherche agronomique aurait sans doute obtenu de bien meilleurs résultats si les ressources financières promises et attendues avaient été disponibles à temps. Je comprends donc parfaitement les doléances que vous adressez à l'Etat de Côte d'Ivoire et à ceux qu'il faut bien appeler vos débiteurs. En effet, en matière de recherche scientifique, les promesses de financement doivent être considérées comme des dettes. Elles ne doivent pas engager ceux qui les reçoivent mais, plutôt, ceux qui les donnent.



Tout à l'heure, vous avez évoqué trois problèmes sur lesquels je voudrais m'arrêter quelques instants. D'abord quelques mots sur les conséquences de la crise sur le rendement du CNRA. Mesdames et Messieurs, la crise ivoirienne a gravement affecté le travail du CNRA. A Bouaké, Korhogo et Man qui sont tous les trois des centres importants de vos activités, les déprédations subies par vos installations et par vos équipements, font partie des effets collatéraux de notre affrontement fratricide, qui n'est plus aujourd'hui qu'un mauvais souvenir. Dès lors, il ne faudrait pas que votre choix en faveur de la déconcentration apparaisse, pour vous, comme un handicap. Au contraire, le gouvernement doit faire en sorte que ce principe de la déconcentration de vos installations et services soit renforcé. Il a donc le devoir de réparer les dégâts résultant de nos incompréhensions mutuelles, et cela d'autant plus qu'une agriculture florissante est un témoin de la paix. Dans notre pays, l'agriculture est même le meilleur ami de la paix. A présent que les tensions se sont apaisées, nous devons trouver les moyens de restaurer ce qui a subi des dommages. Le CNRA doit recevoir les concours financiers qui lui ont été promis et bénéficier, au même titre que tous les secteurs sinistrés du fait de la guerre, de subventions pour sa reconstruction et la relance de ses activités. Cette position de principe, je veillerai à la traduire en actes pour ce qui relève de ma compétence. Nous ne laisserons pas mourir ce beau fleuron de notre expertise nationale. Nous avons même le devoir de le renforcer et de le rehausser.



Vous avez manifesté un second souci qui ne concerne pas uniquement votre centre de recherche: c'est la question foncière. Mais, vous savez, autant que moi et même mieux que moi, Mesdames et messieurs, que la crise ne fait pas bon ménage avec le droit Chaque fois que l'insécurité et le désordre s'installent, l'être humain a tendance à s'insérer dans les failles ainsi créées pour en retirer un bénéfice personnel. C'est ainsi que naissent et se répètent, sans cesse, les litiges fonciers entre d'anciens propriétaires et des acquéreurs qui se sont dûment acquittés du prix qui leur a été imposé en échange d'une parcelle. Le mal n'est pas nouveau. Il convient aujourd'hui de lui trouver un remède approprié. Le conflit entre le droit foncier coutumier et le droit actuel doit être résolu. Concernant les sites exploités par le CNRA, la remise en cause régulière, par les villageois, des acquis est difficilement acceptable. Vous avez droit à la tranquillité requise par vos travaux. Je veillerai à vous la procurer.


Toutefois, l'Etat doit, ce faisant, explorer toutes les possibilités d'un règlement non conflictuel des divergences en matière foncière. J'ai laissé délibérément pour la fin la question institutionnelle, parce qu'elle est plus délicate et plus difficile à résoudre que les autres. En effet, dans ce domaine, de très nombreux facteurs entrent en ligne de compte et les décisions doivent s'entourer de toutes les garanties. Elles ne peuvent être prises ou être annoncées dans l'enthousiasme d'un instant. Du reste, les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, de l'Economie et des Finances, ainsi que de l'Agriculture auront, là-dessus, un avis à me communiquer. En tout état de cause, les relations entre l'Etat actionnaire et le CNRA devront être clarifiées et établies, une fois pour toutes. A cette fin, j'examinerai, avec toute l'attention requise, les propositions contenues dans votre mémorandum. Je vous donne l'assurance qu'une suite rapide leur sera donnée.



Mesdames et Messieurs, soigner l'agriculture en Côte d' Ivoire, c'est éviter de scier la branche sur laquelle nous sommes tous assis. Dès lors, la recherche agronomique a toujours été et demeurera, longtemps encore, un des piliers de la politique de développement de la Côte d'Ivoire. Du reste, avons-nous véritablement le choix? Souvenons-nous de ce qui arrive aux grands Etats producteurs de pétrole, qui, enivrés par les effluves du brut, délaissent l'agriculture au profit de la comptabilité des pétrodollars. Ils connaissent des difficultés et finissent souvent par implorer l'aide alimentaire de ceux qui ont veillé jalousement à la prospérité de leur agriculture.



Nous devons donc entourer le Centre national de recherche agronomique de nos soins jaloux, car de son efficacité continue et de ses succès répétés dépendra l'avenir de la Côte d'Ivoire.



Courage



Mesdames et Messieurs les chercheurs! Courage et confiance car vous ne serez jamais seuls dans votre combat pour une recherche agronomique toujours plus forte et plus conquérante. Le gouvernement ivoirien se tiendra toujours a vos côtés.



Je vous remercie de votre attention.