LEGISLATIVES DE DECEMBRE 2011 : LES ECLAIRAGES DE YOUSSOUF BAKAYOKO DANS UNE INTERVIEW

Les élections du 11 décembre 2011 auront-elles bien lieu ? Les ingrédients sont-ils réunis pour le respect de cette date ? Qu’en est-il de la notion de suppléance ? Ce sont autant de questions que se posent les ivoiriens et les amis de la Côte d’Ivoire. A quelques trois semaines de ce scrutin, le Président de la Commission Electorale Indépendante s’est ouvert à la télévision ivoirienne. A l’Hôtel Président de Yamoussoukro où il était dans le cadre de la séance d’information avec le corps préfectoral, Youssouf Bakayoko a répondu à toutes les préoccupations.

Question : M. le Président, beaucoup d’Ivoiriens se posent la question suivante : les élections législatives auront-elles lieu effectivement le 11 décembre 2011?

Réponse : Merci, je crois qu’il faut rassurer les Ivoiriens et même nos amis de l’extérieur et leur dire que nous avons établi un chronogramme que nous avons soumis au gouvernement. C’est ce chronogramme qui indique la date du 11 décembre 2011. Et nous travaillons conformément à ce chronogramme. Nous pouvons donc dire que les élections auront bel et bien lieu le 11 décembre prochain.

Question : Est-ce que tout est en place ?

Réponse : Tout est quasiment en place. Qu’est-ce qu’il y avait- à faire ? D’abord, nous avons dressé la liste des candidats que nous avons reçus. Nous l’avons transférée au Conseil Constitutionnel pour validation comme la loi nous le demande et recevoir éventuellement les réclamations. Cela est achevé. Donc, aujourd’hui, on peut dire que sur le plan de la liste des candidats, il n’y a pas de difficulté.

Question : Combien de candidats avez-vous enregistré?

Réponse : Il y a au total 1185 candidats pour les 255 sièges.

Question : M. le Président, sans remuer le couteau dans la plaie, l’année dernière il y a eu des cas qui ont fait l’objet de discutions, je pense notamment aux 20.000 ivoiriens qui n’ont pas pu voter, je pense également aux 55.000 dont on n’avait pas de trace et je pense surtout aux nouveaux majeurs. Quel est leur sort?

Réponse : Comme vous le savez, il avait été convenu qu’à l’issue de l’élection présidentielle, nous prendrons en compte les cas que vous avez évoqués. Il s’agissait d’un ré-enrôlement mais compte tenu du fait que nous avons eu malheureusement une crise postélectorale, il nous est apparu utile et indispensable de ne pas réaménager la liste électorale sur laquelle tout le monde s’était mis d’accord. Nous prendrons donc en compte la liste qui a permis d’élire le Président de la République.

Question : Ceux qui n’ont pas pu voter aux élections présidentielles ne pourront donc pas voter ?

Réponse : Ceux qui n’ont pas pu voter à l’élection présidentielle, ne pourront pas voter à l’élection législative du 11 décembre 2011. Il faut ajouter que cette liste avait déjà reçu l’agrément de tous et avait été certifiée par les Nations Unies.

Question : Est-ce que vous pouvez nous dire avec certitude que le parti d’opposition que tout le monde connait et qui est le FPI sera présent à ces élections ?

Réponse : D’abord, il faut rappeler que les candidatures sont libres, celui qui veut être candidat, rempli les dossiers et les déposent à la Commission Electorale Indépendante. Ainsi donc, nous avons reçu des candidatures. Aujourd’hui, nous avons reçu 964 candidatures. Chaque parti est libre parce-que les textes le permettent de parrainer des candidats. Nous avons reçu des candidats parrainés par le PDCI-RDA, des candidats parrainés par le RDR, des candidats parrainés par le PIT et j’en passe. Nous avons aussi des listes de candidats indépendants. Les candidats indépendants n’ont aucune obligation en la matière. Ils viennent, se présentent comme les textes le disent et ils déposent leur candidature. Nous avons dans le cadre du CNRD, des candidatures de groupe qui sont affiliés officiellement au CNRD.

Question : Sont-ils nombreux ?

Réponse : Nous avons une vingtaine de candidature du CNRD. Nous avons le CAP-UDD crée par M. Gervais Coulibaly, nous avons le parti de Mme Danielle Boni Claverie. De ce point de vue, nous avons une représentation du CNRD qui va participer à ces élections comme nous avons des représentants du RHDP.

Question : M. le Président, une des préoccupations, c’est la période de publication des résultats. Que dit la loi ?

Réponse : En la matière, la loi ne nous donne pas de date fixe. Cependant, la loi dit qu’en cas d’égalité parfaite entre deux candidats, l’élection est reprise une semaine après. Ce qui nous donne la possibilité de proclamer les résultats dans la limite d’une semaine. C’est en fait la barrière posée par la loi en cas d’égalité parfaite. En clair, cela veut dire qu’il faut proclamer les résultats dans une semaine.

Question : Si les élections ont lieu le 11 et qu’il n’y a pas d’égalité parfaite, vous pouvez donner les résultats en une semaine ?

Réponse : Même s’il n’y a pas d’égalité parfaite et même s’il y a égalité parfaite, nous donnons les résultats dans une semaine c’est-à-dire au plus tard le 18 décembre 2011.

Question : M. le Président, pour le contentieux de ces élections, devant qui le porte-t-on?

Réponse : Pour les législatives c’est nous qui publions les résultats provisoires et c’est nous qui proclamons les résultats définitifs. Nous les donnons de façon partielle pour les différentes circonscriptions. Après nous les donnons de façon définitive pour l’ensemble du pays. Nous sommes seuls à donner les résultats définitifs.

Question : Qui doit certifier les résultats ?

Réponse : Nous sommes dans un processus de sortie de crise. Et cette sortie de crise autorise les Nations Unies à intervenir dans le processus. Nous avons déjà eu une certification pour ce qui concerne la liste électorale. Nous aurons pour les législatives, une certification des résultats. Mais je précise que nous travaillons de concert avec les Nations Unies. Ce que nous faisons, nous le portons à la connaissance de l’Onuci afin qu’elle en soit véritablement imprégnée. Ce qui facilitera bien entendu la tâche du Certificateur. Mais je reviens pour dire qu’il faut parler de contentieux qu’après la proclamation des résultats. C’est après la proclamation qu’on peut saisir le Conseil Constitutionnel dans le cadre du contentieux. Mais nous avons la pouvoir de déclarer, en ce qui concerne la CEI, les résultats définitifs.

Question : M. le Président, je vais revenir de façon très pratique sur les dispositions que vous avez prises. Combien de Bureaux de Votes existe-t-il?

Réponse : Nous comptons 19.914 bureaux de vote. Et nous aurons 10.141 lieux de vote. Ce sont généralement les mêmes bureaux de votes qui ont servi à l’élection présidentielle. Mais j’ajoute que pour les élections législatives il n’y a pas de bureaux de vote à l’extérieur. Je veux parler de l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Il faut rappeler que le vote a lieu sur l’ensemble du territoire national.

Question : Est-ce que l’article 90 qui pose les incompatibilités avec l’élection des députés a-t-il été sérieusement étudié pour que certains problèmes ne se posent pas par la suite?

Réponse : Il y a des incompatibilités qui sont indiquées par les textes. Pour prendre un exemple plus proche de nous, moi en ma qualité de membre de la Commission Electorale Indépendante, je ne peux pas être candidat. Il en est de même pour les autres membres de la Commission. Cela est aussi valable pour les hommes de l’armée. Donc il y a des incompatibilités qui sont prescrites par la loi mais un fonctionnaire normal peut demander une mise en disponibilité, et s’il est élu, il abandonne provisoirement ses fonctions de fonctionnaire pour siéger à l’Assemblée Nationale. S’il n’est pas élu bien attendu, il continue d’exercer ses fonctions.

Question : Avez-vous constaté que des fonctionnaires avaient été candidats ?

Réponse : Nous avons enregistré beaucoup de candidature des fonctionnaires. Mais ils ne sont pas encore élus. C’est lorsqu’ils seront élus qu’ils seront frappés par les incompatibilités. De ce point de vue, il n’y a pas de problèmes, il faut attendre les résultats des élections.

Question : M. le Président, nous allons parler d’une loi qui est nouvelle pour les ivoiriens. Il s’agit de la suppléance. Cette loi a été votée depuis le 9 septembre 2004. Croyez-vous que cette loi de suppléances est bien comprise par les ivoiriens. De quoi s’agit-il exactement ?

Réponse : En 2004, une loi a été prise pour instituer la suppléance. C’est à dire qu’un candidat doit choisir une personne pour assurer sa suppléance au cas où, élu, il serait appelé à d’autres fonctions. Chaque candidat au terme de cette loi est tenu de se présenter avec un suppléant. Nous recevons les dossiers du candidat qui contient le nom du suppléant. Vous voyez que ce sont des choses qui sont consensuelles, de même que le candidat doit accepter le suppléant, le suppléant doit accepter le titulaire. A partir de ce moment, ils vont remplir les dossiers de candidature. Mais le suppléant n’aura pas à payer le cautionnement. Lorsque le titulaire paye le cautionnement, cela est valable pour le suppléant. Donc une fois que cela est fait, et que le titulaire devient député alors il va siéger à l’assemblée comme tous les autres députés. Mais s’il est appelé à d’autres fonctions, notamment au gouvernement, son suppléant peut siéger, s’il est appelé à faire son service militaire, son suppléant peut le remplacer, s’il est appelé à une fonction incompatible avec sa fonction de député, son suppléant le remplace. La suppléance ne vaut donc que pendant l’absence du titulaire. Il n’est pas dit que le suppléant peut rester jusqu’à la fin du mandat. Toutefois, si le titulaire perd les avantages ou les responsabilités qui lui étaient confiés, il peut retourner au Parlement et bien évidemment, la suppléance s’arrête. Mais lorsque le suppléant vient siéger il bénéficie des avantages liés à la fonction de député. Il aura un salaire, l’immunité parlementaire et tous les avantages liés à son rang.

Question : La loi dit aussi que lorsqu’un député effectue une mission d’Etat de six mois, il doit céder sa place au suppléant ?

Réponse : Au moins six mois. Si c’est une mission qui n’atteint pas six mois, il n’y a pas de suppléance. Mais si c’est une mission qui va au-delà de six mois, en ce moment le suppléant peut le remplacer.

Question : M. le Président je veux m’assurer d’une bonne lecture de l’article 2 de la même loi qui stipule qu’il n’y a pas lieu de suppléance en cas de maladie. Est-ce que cela est justifié ?

Réponse : Il est évident que la loi telle que votée interdit un certain nombre de choses. La suppléance ne fonctionne pas si le député titulaire meurt. Il est aussi indiqué que la suppléance ne s’applique pas en cas de maladie du titulaire. Il est aussi indiqué que la suppléance ne marche pas si le député titulaire n’a pas formulé une demande pour partir. Ce sont donc un certain nombre de garde-fous que le législateur a mis en place pour éviter les quiproquos et autres malentendus pour permettre aux suppléants de savoir à quoi s’attendre et pour permettre au député titulaire d’exercer en toute sérénité ses fonctions de député. Ceci, pour éviter qu’un suppléant vienne dire par exemple, tel député est malade donc je vais prendre sa place, c’est exclu par la loi.

Question : Le suppléant est-il payé ?

Réponse : Non, le suppléant ne reçoit pas de salaire, il continue de vaquer à ses occupations jusqu’à ce qu’il occupe véritablement la fonction de député.

Question : Le suppléant qui rentre à l’Assemblée Nationale peut-il se présenter pour en devenir le Président?

Réponse : S’il devient député, la suppléance étant encadrée dans un délai, les députés n’accepteront pas que le suppléant qui vient pour assumer une suppléance puisse se porter candidat à la tête d’une institution dont le mandat dure cinq ans. Mais je pense que c’est une question de compréhension et de bonne convenance. Le suppléant qui vient pour remplacer un député élu ne pourrait pas demander à devenir Président de l’Assemblée Nationale. Mais rien ne le lui interdit.

Question : Pour revenir à l’actualité concernant les élections du 11 décembre, à quand la campagne ?

Réponse : Pour la campagne, la Commission Electorale Indépendante a eu à débattre de cette question. Nous pensons que la campagne ne devrait pas excéder une dizaine de jours. On va donc tenter de mettre cela autour d’une semaine pour que les candidats aient l’occasion de présenter leur programme à leurs électeurs.

Question : M. le Président, lors des élections présidentielles, certaines campagnes ont été parfois très dures. Est-ce que des dispositions ont été prises pour nous éviter de tomber dans de telles animosités ?

Réponse : Nous avons un Code de Bonne Conduite qui existe depuis la présidentielle. Malgré l’existence de ce Code, nous avons malheureusement observé quelques déviations. Nous allons encore une fois tenter de faire comprendre aux uns et aux autres la nécessité qu’il y’a à respecter ce Code de Bonne Conduite pour que l’élection se déroule dans un climat apaisé. Il est important que cela se passe parce que la certification dont vous parliez tout à l’heure porte aussi sur le climat de paix. Sans paix et sans sécurité, il est évident que l’élection ne peut avoir lieu. Donc il est de l’intérêt de tous d’agir pour que ce climat de paix règne et que les candidats se respectent mutuellement. Que les candidats n’utilisent pas les médias pour régler leurs comptes et pour pousser les uns et les autres à des dérives qui nous serons tous préjudiciables. Nous pensons que les candidats doivent se conformer au Code de Bonne Conduite.

Question : M. le Président, si on s’en tient au 11 décembre à quand pensez-vous qu’on pourrait lancer la campagne ?

Réponse : Je pense aux premiers jours du mois de décembre. J’ai déjà indiqué que nous ferons cette campagne dans un délai de sept jours, maximum dix jours. Dès début décembre, nous allons annoncer l’ouverture de la campagne. Mais avant, nous allons soumettre au gouvernement un texte en la matière pour fixer les délais. Il est évident que chacun devra s’en tenir à cela mais il est aussi évident que la presse devra nous aider à faire en sorte que nous restions dans ces limites.

Question : Il n’y a pas longtemps, vous étiez heureux de recevoir des urnes. A quand l’arrivée de l’encre indélébile ?

Réponse : L’encre indélébile est déjà là. Les isoloirs et urnes sont là. Bref, l’ensemble du matériel est déjà là. Nous en avons installé à Abidjan comme à Yamoussoukro. Le moment venu, nous allons les convoyer vers les lieux de vote et dans les bureaux de vote.

Question : Il nous est rapporté que certains de vos collaborateurs ont eu du mal à percevoir leur dû. Pour ces élections, les dispositions ont-elles été prises au plan financier pour que tout se déroule dans de bonnes conditions ?

Réponse : Ce que vous dites concerne ceux qu’on appelle les agents électoraux. Nous avons pris les dispositions pour qu’ils puissent percevoir leurs indemnités et qu’il n’y ait pas de difficultés en la matière. Nous avons pris les dispositions pour que nos commissaires locaux qui travaillent au niveau local pour ces élections soient aussi payés. Sur ce plan, nous n’avons pas réellement d’inquiétudes.

Question : Etes-vous à ce jour en parfaite entente avec vos partenaires financiers ?

Réponse : Oui, bien évidemment. Les bailleurs de fonds étrangers nous apportent leur appui. Ils participent à ce processus de sortie de crise. D’ailleurs, les urnes, les isoloirs et l’encre que nous avons reçus récemment nous ont été donné par l’Union Européenne. Pour ce qui est de leur participation, globalement cela tourne autour de 6 milliards de francs CFA. Et nous n’avons aucune inquiétude sur le décaissement.

Question : Nous sommes à la fin de cet entretien. Regardez les ivoiriens droits dans les yeux et dites-leur ce que vous attendez d’eux…

Réponse : Notre pays a traversé des périodes difficiles. Dix ans de crise et chacun de nous avait espéré que la présidentielle allait nous permettre de tourner la page. Et donner une force à la démocratisation de notre pays parce qu’il faut rappeler que la démocratisation fait aussi partie des éléments de développement de notre économie. Ce que je puis dire c’est que nos compatriotes doivent comprendre que cette élection est capitale dans la mesure où elle va donner au pays la deuxième institution qui représente directement la population. Et les députés ont pour mission de surveiller l’action gouvernementale. Ils ont aussi pour mission de voter les lois, le budget. Donc, ils ont beaucoup d’instruments entre leurs mains. Un pouvoir énorme mais qu’ils détiennent du peuple. Je demande donc aux ivoiriens de comprendre l’importance de la mission des députés et en même temps de comprendre que beaucoup a été fait pour qu’on sorte de cette crise. Dix ans, je l’ai rappelé, c’est long et si nous terminons cette élection dans un climat de paix, si nous avons des institutions fortes, le pays va renaitre, la confiance va reprendre, l’économie va redémarrer. En ce moment, les questions d’emploi, de santé et d’éducation vont trouver de meilleures solutions. Je vais terminer pour dire que l’avenir du pays est aussi entre leurs mains. C’est aux ivoiriens de donner au pays des institutions fortes qui vont rassurer les partenaires.

Entretien retranscrit par
le Service de Communication de la CEI