Célébration officielle de la Deuxième Edition de la Journée Nationale de la Solidarité
(Abengourou, samedi 25 août 2007)

Le ministère de la Solidarité et des Victimes de Guerre a organisé, le samedi 25 août dernier, simultanément dans trois villes de Côte d’Ivoire, la célébration de la deuxième édition de la Journée Nationale de la Solidarité. Le Ministre Louis André Dacoury-Tabley, Ministre de la solidarité et des Victimes de Guerre a lui-même présidé la célébration à Abengourou, en présence du ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, M. Mamadou Koné, représentant le Premier Ministre. A cette occasion, M. Dacoury-Tabley a prononcé le discours ci-après dans lequel il a magnifié la solidarité en tant que « ferment de l’unité nationale, de la cohésion sociale et de la paix »




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Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Messieurs les Présidents des Grandes Institutions de la République,

Madame, Monsieur les membres du Gouvernement,

Madame, Monsieur les représentants du Corps diplomatique,

Madame, Monsieur les représentants des Organisations internationales,

Madame, Monsieur,

Chers invités et participants à cette Deuxième Edition de la Journée Nationale de la Solidarité,



Au nom de mon Département Ministériel, j'exprime à vous tous ma reconnaissance pour avoir accepté de participer à cette importante cérémonie, la Journée Nationale de la Solidarité, qui marque notre volonté et notre désir de bâtir une société plus conviviale, plus juste, plus équilibrée.

Dans le cadre de la politique du gouvernement, le Ministère de la Solidarité et des Victimes de Guerre est chargé de trouver les voies et moyens pouvant permettre de rendre manifeste la Solidarité au plan national. C'est-à-dire non seulement la solidarité entre les couches et composantes multiples de la population, mais également la solidarité entre l'Etat avec les groupes sociaux défavorisés ou en détresse. C'est dans cette perspective que vous constatez que le thème de la solidarité devient central dans les actions du Gouvernement, par la création d'une Journée Nationale dédiée à la Solidarité et, égaIement par la création en cours au niveau du Conseil des Ministres, de l'Observatoire de la Solidarité et de la Cohésion Sociale.


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Au cours de la première Edition de la Journée Nationale de la Solidarité, nous avons essayé de démontrer qu'il y a un lien étroit entre la solidarité, la cohésion sociale et la lutte contre la pauvreté. Nous avons même insisté, pour ce qui concerne la Côte d'Ivoire, sur le lien étroit entre solidarité, cohésion sociale et développement humain durable.

Cette année, à travers un plan médiatique multisectoriel et des conférences, mais aussi et surtout à travers l'éclatement de la cérémonie sur le territoire national (notamment à Abidjan-Attécoubé, Bouna, Danané et Abengourou), nous essayons de démontrer en cette période critique de réconciliation nationale et de réunification du pays, que la solidarité est un ferment de l'unité nationale, de la cohésion sociale et de la paix.

C'est donc à juste titre que la ville d'Abengourou a été choisie pour abriter la cérémonie officielle de cette Journée. En cette période difficile pour notre pays, Abengourou est une localité exemplaire en matière d'intégration entre communautés nationales et étrangères, entre communautés allogènes, allochtones et autochtones. Dans cette région on note une collaboration exemplaire entre les autorités du Royaume et les représentants de l'Etat. Et pour cette raison, c'est l'une des Régions du pays à avoir réussi à préserver positivement la coexistence des différentes composantes de sa population, et ce, malgré un contexte national conflictuel. Le choix d'Abengourou se justifie également par les initiatives de médiation et d'apaisement que les autorités traditionnelles avec à leur tête le Roi, ont développé au cours de la crise, en mettant en place, à cet effet, une plate-forme des chefs coutumiers. Nous sommes donc ici, dans une Région pouvant servir d'exemple et qui, de ce point de vue, est condamnée à progresser en matière de solidarité et de cohésion sociale.




Mesdames et messieurs,

Chers compatriotes,

Au regard de la crise multiforme, multisectorielle et multidimensionnelle que nous traversons, la Journée Nationale de la SoIidarité nous donne l'occasion de reconquérir l'unité nationale, la cohésion sociale et la paix.


On le sait, au-delà des voies standards de développement des nations, notamment l'Education, la Santé, l'Agriculture, la Défense, le Transport, les Moyens de communications, le Tourisme, etc., dont l'importance n'est pas discutable, mais à côté de ces voies-là, les Etats sérieux dégagent leurs propres hiérarchies des valeurs, leurs propres priorités fondées sur des éléments de leur histoire et de leur environnement pertinent, éléments qui soudent les autres et garantissent ainsi un développement durable de la nation.


A y voir de près, le pilier central du développement durable de la Côte d'Ivoire, pays d'immigration, de migrations, de brassages irréversibles, c'est bien la solidarité et la cohésion sociale.


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En effet, notre pays présente aujourd'hui tous les traits qui recommandent vivement une politique de promotion de la solidarité et de la cohésion sociale. D'abord si on considère le sommet de la société, c'est-à-dire les acteurs centraux de notre système politique, on note constamment, ces quinze dernières années, des tensions et l'absence permanente de consensus sur les règles du jeu ou de la compétition politique; donnant ainsi l'impression que l'on ne devrait pas s'étonner qu'un conflit éclate à tout moment.


Ensuite il y a le fait que la crise politico-militaire a provoqué ou favorisé des modes inhabituels voire paradoxaux de domination, d'ascension sociale et d'enrichissement matériel. Ce constat est allé de pair, chez plusieurs groupes de travailleurs ou corporations, avec des formes de contestation et de revendication salariale. Ces mouvements, qui se sont multipliés dans le secteur public de l'emploi, sont apparus légitimement aux yeux de certains comme suspects mais ces revendications salariales peuvent bien indiquer, d'une part, de profondes contradictions sociales et économiques et, d'autre part, qu'il y a eu une fragilisation de la solidarité nationale.


Par ailleurs, dans les zones qui, à la faveur de la crise politico-militaire, ont échappé durant cinq ans à l'autorité de l'Etat, de nouvelles formes de domination et de hiérarchies sociales sont développées.



Que signifie la fin de la guerre et le retour à la paix pour les groupes sociaux ainsi recomposés socialement, politiquement et économiquement? Les attentes des uns et des autres sont sûrement contradictoires et une véritable ingénierie sociale de reconstruction du tissu social nous attend.


Au niveau local des communautés rurales, les germes d'une société finalement fragile s'imposent également à l'observation.



En effet, le contexte ivoirien est caractérisé par un peuplement par immigration et migration interne, une sédentarisation des allochtones et allogènes dans les localités d'accueil, une pluralités des formes d'insertion locale qui, en l'absence d'un véritable travail idéologique d'inculcation des valeurs de solidarité, d'unité et de cohésion, tendent ces quinze dernières années, à favoriser des conflits récurrents entre groupes, c'est-à-dire des formes d'expression des rapports sociaux ou des relations sociales marquées par des antagonismes, des tensions, des contradictions, des oppositions plus ou moins violentes.


Les sources et les enjeux de ces conflits entre communautés renvoient de façon récurrente au foncier rural, à l'économie, et au pouvoir politique. Par exemple la sédentarisation peut tout à fait entraîner chez l'allogène (et chez sa descendance) le sentiment d'être chez soi alors que chez l'autochtone, même sédentarisé l'allogène demeure toujours parfois étranger. Cette contradiction est due au fait que la sédentarisation en question n'est plus associée comme par le passé à des pactes de coexistence ou d'intégration définitive.


Au plan démographique, dans nombre de localités rurales en zone forestière, les allogènes sont devenus plus nombreux que les autochtones. Cette situation de minorité amène souvent les autochtones à développer des mécanismes de protection. Par exemple, ils vont s'appuyer sur l'autochtonie ou sur une idéologie de l'antériorité pour s'inscrire dans le pouvoir politique local ou pour s'inscrire dans les compétitions sur le foncier rural.


Dans certains contextes, les allogènes et les allochtones sédentarisés, lorsqu'ils sont considérés par les autochtones comme des étrangers dans le village, se mettent parfois en marge de la modernisation villageoise, bien qu'ils en aient les moyens, et rapatrient une bonne partie de leur revenu vers leur pays ou lieu d'origine. Ce qui amène parfois les autochtones à les accuser d'ingratitude.



Au total, le contexte ivoirien révèle les éléments suivants:
 un pays dominé par des rapports inter-ethniques;

 des rapports entre communautés d'origines différentes en milieu rural tout comme en milieu urbain;

 une sédentarisation des communautés migrantes avec une ambiguïté sur la définition du statut politique des groupes ainsi sédentarisés

 une pluralité des règles et droits régissant l'accès à la terre, son appropriation et son exploitation.



Au total, un tel contexte est propice à l'émergence de conflits. Lorsqu'il s'agit des conflits autour du foncier rural, les oppositions prennent la forme ou sont réinterprétées comme des oppositions entre autochtones et étrangers et non pas sous la forme d'une opposition entre des groupes d'intérêts économiques opposés ou contradictoires. En d'autres termes, on occulte les contradictions économiques et sociales pour mettre en avant l'origine ou l'identité ethnique des groupes en présence.



Au niveau de l'économie, d'une façon générale, les conflits éclatent autour d'activités présentant des monopoles, notamment le commerce et parfois le transport. Dans ce cas, les conflits ont pris la forme d'une tentative (en général sans lendemain) des groupes autochtones de briser le monopole détenu par un groupe allogène ou alors une tentative de s'accaparer l'activité elle-même.



Concernant le pouvoir politique, un premier type de conflit concerne la participation des différents groupes ou à la vie politique nationale. Le second type de conflit concerne la participation des différentes communautés à la gestion du pouvoir local à l'échelle villageoise. Par rapport à la gestion du pouvoir politique villageois, les conflits entre communautés autochtones, allochtones et allogènes existent mais sont moins violents.


Par contre, par rapport à la participation à la vie politique nationale, notons que les conflits entre communautés ont existé et ont été parfois violents. En effet, depuis les années 1960 jusqu'à la naissance du multipartisme, la participation à la vie politique nationale était accordée à toutes les composantes de la population ivoirienne sans distinction d'origine ou de nationalité. Par rapport à ce contexte qui a prévalu durant la période du parti unique, à partir de 1990, lorsqu'il a été acquis avec le multipartisme, que la vie politique nationale est réservée désormais aux nationaux, notamment lors des élections générales, des conflits ont régulièrement éclaté entre des communautés nationales et des communautés allogènes singulièrement durant les périodes électorales. L'opposition entre ces communautés est alimentée par des soupçons réciproques.



Disons que le modèle de peuplement et l'histoire particulière de la Côte d'Ivoire fait ressortir de nombreuses sources de conflits entre communautés autochtones allochtones et allogènes. En conséquence, il est impératif d'élaborer des stratégies de prévention et de renforcement de la cohésion sociale entre communautés.



Au regard de ce diagnostic d'ailleurs assez partiel - car on aurait pu signaler le rôle des mass médias, de l'école.... dans la fragilisation du tissu social -, il se dégagent de multiples défis pour les acteurs et les institutions en charge des politiques de solidarité, de cohésion sociale, d'apaisement. Ce qui est visé, c'est bien l'effort de construire une nouvelle idée du rapport à autrui, une redéfinition positive de cette diversité, bref, l'émergence d'une nouvelle idée de nation.


Cependant pour parvenir à un tel résultat, un dispositif pédagogique approprié est nécessaire pour inculquer les voies et moyens de construire dans la pratique la relation entre la solidarité, la cohésion sociale et le développement.



Ce dispositif doit permettre de :

- donner un contenu opératoire à la notion de solidarité sur toute l'étendue du territoire national et,

- mettre en place des outils opérationnels destinés à faire fonctionner effectivement, la relation entre la solidarité, la cohésion sociale et le développement durable.

Dans cette perspective, nous disposons désormais de deux cadres institutionnels de première importance que sont d'une part la Journée Nationale de la Solidarité et l'Observatoire de la Solidarité et de la Cohésion Sociale d'autre part. La Journée est l'occasion de faire la promotion et le marketing social de la solidarité et de traduire la reconnaissance de la Nation à ceux qui y contribuent individuellement et collectivement.




Quant à l'observatoire de la Solidarité et de la Cohésion Sociale, dont le décret de création fait partie des actes prioritaires de l'actuel Gouvernement, c'est un outil de prévention et d'aide à l'anticipation dans la mesure ou il va permettre de :

- définir et actualiser les indicateurs de solidarité;

- définir et actualiser les indicateurs de cohésion sociale;
- collecter, traiter et diffuser les infirmations relatives aux indicateurs de solidarité et de cohésion sociale;

- contribuer à la promotion de la solidarité et de la cohésion sociale;

- évaluer les politiques et programmes nationaux de solidarité et cohésion sociale;

- soutenir et encourager des projets de recherche sur la solidarité et la cohésion sociale.



Comme on le voit, l'Observatoire et la Journée sont bien deux outils pertinents de sorite de crise et de développement durables.



Chers compatriotes et populations de Côte d'Ivoire,

Notre histoire récente commune et notre environnement national actuel enseignent qu'il y a une exigence de solidarité et de cohésion sociale. Certes il y aura toujours une exigence de solidarité vis-à-vis des plus démunis et des plus vulnérables mais bien plus, il s'agit de ne plus faire de la politique de solidarité une politique marginale de l'action gouvernementaIe destinée à ceux qui sont relégués dans les marges de la société et de la consommation, mais il s'agit de faire de la Solidarité un axe central des politiques de développement, au même titre que l'Agriculture, l'Education, des Infrastructures, etc.

La Solidarité se présente ainsi comme le ciment reliant les divers compartiments de l'édifice national, et qui nous relie à nos voisins. C'est pourquoi, dans les prochains jours, au niveau de mon Département Ministériel et avec la collaboration d'intellectuels, de chercheurs et d'experts nationaux, nous allons poursuivre la réflexion pluridisciplinaire pour dégager tous les ressorts de la solidarité, toutes les potentielles culturelles, sociales et idéologiques de notre pays, à même de consolider, d'amplifier et de singulariser notre politique de solidarité. Ce sera une sorte d'Etats Généraux de la solidarité qui doivent aboutir à l'activation de tous les mécanismes de solidarité.

Pour toutes ces raisons, j'invite, au nom du Gouvernement, les uns et les autres à participer activement à la promotion de la Solidarité et de la cohésion sociale. Impliquons-nous tous dans l'effort du Gouvernement de mettre en place une méthodologie de prévention et d'anticipation sur les crises sociales et sur les conflits sociaux.



La Journée Nationale de la Solidarité, de par son contenu, ainsi que l'Observatoire de la Solidarité et de la Cohésion Sociale sont certes des outils de bonne gouvernance, mais pour atteindre des résultats encore plus probants, il est nécessaire que nous tous, nous nous associions à l'invention de la Côte d'Ivoire de demain, un pays de solidarité, un pays riche de sa diversité sociale, culturelle et économique.



C'est pourquoi, c'est un réel plaisir pour moi, en ma qualité de Ministre en charge de la Solidarité, de voir qu'une attention particulière est ainsi accordée à la solidarité entre les Ivoiriens, à la solidarité entre l'ensemble des composantes de la population ivoirienne.



Chers frères et sœurs,

Chers amis,

La solidarité est une ressource sociale importante qu'il nous faut mobiliser, capitaliser, investir, convertir au profit de notre avenir commun. La solidarité est le matériau qui va nous permettre de bâtir une société plus soudée, une société dont les membres vivent autour d'un minimum de consensus. Certes, dans une société aussi plurielle que la notre, il peut y avoir plusieurs visions de la solidarité mais le plus important à nos yeux, c'est de promouvoir une vision de la solidarité qui implique l'ensemble des composantes de la population.



Il s'agit de faire en sorte qu'il y ait moins d'inégalités, moins d'angoisse du lendemain, que la différence ethnique et culturelle ne soit pas suspectée ou perçue comme une menace, que chacun se sente pris en compte par les politiques publiques et les programmes de développement. Voilà le but à atteindre.



Ce but ultime a été depuis longtemps un des soucis du Gouvernement ivoirien, en créant un Département Ministériel dédié soit aux Affaires Sociales, soit à la Solidarité. C'est pourquoi je voudrais rendre un vibrant hommage aux anciens Ministres en charge de cette question et qui sont présents ici. Il s'agit de Mesdames les Ministres Achi Brou Marthe, Clotilde Ohouochi et Constance Yaï. Elles ont, dans des conjonctures différentes, posé des fondations qui nous ont permis aujourd'hui, dans un contexte où la solidarité et la cohésion sont plus que jamais nécessaires, de concevoir plus aisément une véritable politique nationale de soIidarité. Je leur rend hommage car leur présence ici matérialise bien la chaîne de solidarité qui ne doit pas être rompue malgré nos différences sociales, idéologiques et culturelles.



Je voudrais également exprimer ma reconnaissance aux autorités politiques, administratives et coutumières d'Abengourou et de toute la Région du Moyen-Comoé. En particulier, je salue le rôle joué par le Roi, les Préfets, les Conseils Généraux et les Maires. C'est grâce à la synergie de leurs actions que cette fête est une réussite.


Sur ce point également, la manière dont ces autorités se sont appropriées et ont amplifié l'événement doit faire tâche d'huile pour les prochaines éditions de la Journée Nationale de la Solidarité.



Pour finir, je tiens à féliciter toutes les personnes qui ont aidé à l'organisation de celte Deuxième Edition ainsi que tous ceux qui sont venus participer à sa réussite.



Sur ce, je vous souhaite une bonne fête pour que vive une Côte d'Ivoire solidaire, unie et prospère.



Je vous remercie