DISCOURS DU MINISTRE DE LA JUSTICE, GARDE DES SCEAUX

Excellence M. le Président, M. le Premier Ministre, Messieurs les Présidents et Chefs d’Institutions, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de missions diplomatiques, Messieurs les Officiers généraux, supérieurs, représentant les institutions, Messieurs les Chefs traditionnels et religieux, Mesdames et Messieurs...

Excellence M. le Président, M. le Premier Ministre, Messieurs les Présidents et Chefs d’Institutions, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de missions diplomatiques, Messieurs les Officiers généraux, supérieurs, représentant les institutions, Messieurs les Chefs traditionnels et religieux, Mesdames et Messieurs,


En décidant, à l’occasion de la commémoration du 47ème anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale, de distinguer, dans l’Ordre national et dans l’Ordre du mérite ivoirien, quelques uns des membres de la grande famille judiciaire, vous ne pouviez leur rendre meilleur hommage, de même que vous ne pouviez mieux les réjouir.


Cet hommage de la nation est en effet perçu, tant par les magistrats que par les auxiliaires de justice que sont : les greffiers, les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les agents de l’administration pénitentiaire et de l’Education surveillée, les agents d’affaires, les conseils juridiques, les agents interministériels, avec une fierté d’autant plus grande que c’est pour la première fois qu’un tel évènement se produit.


Cette initiative, heureuse, à tous égards, c’est à vous, Monsieur le Président de la République, qu’ils la doivent. Le porte parole des récipiendaires saura, dans quelques instants, vous exprimer, mieux que moi, toute leur infinie reconnaissance. A vrai dire, cette décision, venant de vous, ne saurait surprendre.


En effet, vous ne manquez jamais, dans vos discours comme dans vos actes, avant, et plus encore depuis votre accession au pouvoir, d’indiquer que les valeurs de justice ont de tout temps été au centre de vos préoccupations majeures, dès lors qu’à vos yeux la justice se doit d’être le réceptacle et le régulateur des tensions sociales. Il s’ensuit que l’affirmation judiciaire doit toujours, à vos yeux, demeurer le dernier moment de l’affirmation du droit dans la société.


Je voudrais, Monsieur le Président, avec votre permission, saisir cette occasion exceptionnelle pour associer à cet hommage national tous les membres de la famille judiciaire aujourd’hui disparus qui ont contribué, par leurs convictions et leurs talents, à donner à notre justice, alors qu’elle accomplissait ses premiers pas, ses plus belles lettres de noblesse : Lucien Y APOBI, VARLET MENSAH Albert, Mamadou FADIKA, Camille HOGUIE, NEYBOUT Keytasso, KAMA Yao, Louis ZAGOL et j’en passe, et non des moindres, sur une liste hélas ! trop longue. Ces hommes d’exception ont été l’honneur et la fierté de notre pays et de notre justice. Ils demeureront à jamais dans nos mémoires, car le bel exemple qu’ils ont laissé en héritage sera, pour chaque membre de la famille judiciaire, une source inépuisable d’inspiration.


Nous nous en voudrions aussi de ne pas avoir une pensée pour tous ceux qui, sont allé sans avoir reçu l’hommage de la nation dont vont bénéficier les bien heureux lauréats de ce jour. Tel le loup d’Alfred de VIGNY, ils ont accompli et bien accompli leur dur labeur, puis, en silence se sont couchés au soir de leur vie. Que de là où les uns et les autres se trouvent aujourd’hui, là où il n’y a plus ni larme ni douleur, comme on le dit chez nous, ils se couchent sur le mauvais bras et tendent vers nous le bon bras pour vous aider, Monsieur le Président de la République, à faire de cette journée mémorable la journée de l’avènement d’une nouvelle justice. Qu’il me soit également permis, en cette occasion exceptionnelle, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, de joindre ma modeste voix aux vôtres pour remercier et féliciter les magistrats qui, malgré les frayeurs consécutives à l’attentat du 29 juin dernier, ont tenu à organiser l’audience solennelle d’installation pour laquelle ils s’étaient rendus à Bouaké. Par cet acte de bravoure, ils ont fait échec aux manœuvres sordides des ennemis de la paix.


Excellence M. le Président,


Nous voulons aussi percevoir à travers l’hommage que vous rendez aujourd’hui à la justice, la traduction de messages forts et de significations particulières. Il me parait avant tout primordial de souligner que notre Constitution, à l’élaboration de laquelle vous avez apporté une contribution significative, a tenu, en érigeant la justice en un véritable pouvoir, à ce qu’elle occupe une place éminente au cœur de notre système institutionnel. En ce faisant, le constituant ivoirien a entendu en même temps affirmer avec force que la Côte d’Ivoire étant un Etat de droit, la primauté du droit doit y être constamment reconnue.


La justice devient de ce fait, dans l’Etat, l’institution chargée, à travers ses décisions et ses actes, d’assurer la cohésion de la société et de maintenir la paix civile. C’est que l’institution judiciaire, par les missions qui lui sont dévolues, a cette particularité d’agir à la fois sur les registres de l’imaginaire, du symbolique et du réel, et c’est ce qui l’oblige à œuvrer pour la réalisation de l’équilibre général de notre société. Aussi l’ensemble des acteurs du système judiciaire doivent-ils prendre pleinement conscience, à leurs niveaux respectifs, de ce que le pouvoir que constitue l’institution judiciaire leur impose des responsabilités particulières et des comportements exemplaires. Après avoir soutenu et accompagné ce que l’on a appelé « le miracle ivoirien », la justice fait l’objet depuis quelques années de critiques acerbes, souvent calomnieuses, mais aussi parfois, hélas ! fondées. Et la première des responsabilités de ses animateurs est de redorer son blason, pour inspirer confiance à la société, au peuple et assurer un parfait respect des droits humains. Mais, s’il est vrai qu’il suffit d’un grain d’arachide avarié pour en recracher toute une bouchée, il serait injuste de ne pas relever qu’en dépit des dysfonctionnements de toutes sortes qui sont à juste titre dénoncés, la plupart des animateurs de notre appareil judiciaire s’emploient, dans la discrétion, mais avec une compétence, un dévouement et une abnégation remarquables, à assurer son fonctionnement normal, dans des conditions extrêmement difficiles.


La justice, pour son fonctionnement quotidien, s’appuie sur une organisation dotée de moyens humains, matériels et financiers indispensables à ses actions. S’il fallait, en quelques mots, en dresser l’état des lieux, je dirais qu’elle dispose à l’heure actuelle des moyens suivants :



au niveau des infrastructures, mise à part la Cour Suprême, de trois Cours d’Appel, de 10 tribunaux de première instance, opérationnels avant le début de la crise, auxquels il convient d’ajouter une cinquantaine d’autres qui seront ouverts pour les besoins spécifiques des prochaines audiences foraines. La justice dispose également de 34 établissements pénitentiaires, d’un Centre d’observation des mineurs dans chaque prison, d’un service de l’assistance éducative et d’un Centre de rééducation situé à Dabou. Les dernières structures citées s’occupent de la prise en charge des mineurs en conflit avec la loi.



au niveau des moyens humains, elle dispose de 482 magistrats qui exercent à temps plein à l’administration centrale et dans les Différentes juridictions, assistés par 648 greffiers, cependant, que concourent quotidiennement à l’œuvre de justice : 420 avocats, 120 notaires, 38 commissaires priseurs, 285 agents d’affaires, 98 conseils juridiques, 1053 agents de l’administration pénitentiaire et 68 maîtres conseillers et maîtres d’éducation surveillée, sans omettre l’ensemble des experts judiciaires agréés auprès des juridictions.



au niveau des moyens financiers, I’Etat fournit des dotations budgétaires dont le montant total demeure encore inférieur à 2 % du Budget Général.


C’est un truisme de dire que ces moyens, au regard des multiples actions que l’institution judiciaire se doit de conduire, et des missions qui lui sont assignées, demeurent en deçà des besoins pouvant lui permettre de répondre aux attentes de nos concitoyens. Ainsi par exemple, au plan humain, notre justice fonctionne avec un ratio d’un magistrat pour environ 40.000 habitants alors que les normes internationales ont établi, depuis fort longtemps, qu’une institution judiciaire commence à dysfonctionner à partir d’un magistrat pour plus de 10.000 habitants. La situation de nos établissements pénitentiaires est plus que préoccupante et doit pour cette raison mériter notre attention d’autant que ce qui est en jeu ce sont à la fois les droits de nos détenus et la sécurité de ces établissements. En cause, la vétusté des prisons dont la plupart datent de l’époque coloniale, mais aussi le surpeuplement carcéral. Qu’il me suffise à ce sujet de citer l’exemple de la M. A. C. A qui fonctionne avec une moyenne quotidienne de 4.000 détenus pour un effectif théorique de 1.500 places.


Je voudrais enfin mettre l’accent sur l’ardente obligation pour notre société de consentir des efforts importants pour mieux assurer la réinsertion et l’avenir de notre jeunesse délinquante, la prévention, en ce qui les concerne, étant de loin préférable à la répression. La justice, nous nous en apercevons avec ces difficultés de taille, est un immense chantier. Comment pourrait-il en être autrement quand notre société connaît un changement rapide ; quand, avec l’évolution des mentalités et des exigences, la demande, de justice devient massive, et protéiforme ; quand nos concitoyens réclament sans cesse et à juste titre une justice rapide, transparente, simple, cohérente et adaptée, créant du coup l’obligation d’imaginer à tout moment de nouveaux modes de règlement des conflits sur la base des lois existantes qui, elles, ne sauraient tout prévoir ?


Monsieur le Président, l’homme politique particulièrement avisé et expérimenté que vous êtes, sait que le rôle des politiques est de rendre possible le nécessaire. C’est ce qui vous a conduit à prendre avec lucidité et courage l’exacte mesure des difficultés de l’institution judiciaire, et à adopter d’ores et déjà quelques remèdes adaptés qui ont beaucoup réjoui les membres de la famille judiciaire. Parmi les actes significatifs que vous avez pris, on pourrait notamment citer la création de l’Institut National de Formation Judiciaire appelé à devenir dans un proche avenir un puissant outil de modernisation de tout le système judiciaire. Vous n’avez pas non plus hésité à prendre la décision d’améliorer de manière substantielle la situation des magistrats de la plus haute de nos juridictions, en attendant, je n’en doute point, de vous pencher bientôt, avec la même bienveillance, sur le sort de leurs collègues des juridictions inférieures. C’est cette même votante politique de contribuer au redressement de la justice qui vous a conduit tout récemment à vous déclarer prêt à examiner un statut rénové pour les magistrats et un statut particulier pour nos greffiers, à envisager également le relèvement du niveau de recrutement des agents de l’administration pénitentiaire, en vue de l’amélioration de leurs conditions de travail, et à créer de nouveaux offices de notaires. Les magistrats ne sauraient enfin oublier le beau geste que vous avez eu à l’égard de ceux de leurs collègues déplacés de guerre en les recevant ici même pour les consoler des douloureux évènements qu’ils ont vécus. En même temps, ils comptent encore sur vous pour faciliter, au plan moral et matériel, leur redéploiement.


Comment, devant de telles initiatives de votre part, pourrions-nous douter des possibilités de redressement de notre justice ? Certes de grandes réformes doivent être envisagées dans tous les secteurs de l’activité judiciaire avec pour objectifs de moderniser les équipements existants et d’en prévoir au besoin de nouveaux, de donner à tous les personnels de notre justice la formation la mieux adaptée aux besoins de l’institution afin d’offrir aux justiciables des services de qualité, d’ouvrir l’institution sur le monde extérieur, le tout devant reposer sur une morale professionnelle exemplaire et des exigences éthiques toutes particulières. La famille judiciaire voudrait vous dire que telle est leur ambition pour la justice de ce début du 21ème siècle et qu’elle compte pour sa réalisation sur votre ferme soutien et sur celui du gouvernement.


Tous les membres de la grande famille judiciaire voudraient, en ce jour de fête, et pour le magnifique hommage qui leur est rendu, vous assurer de leur détermination à œuvrer pour corriger les dysfonctionnements qui trop souvent entravent le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire et pour utiliser sans compter leurs intelligences, leurs compétences et leurs énergies pour la sauvegarde et le triomphe de notre justice.


Il s’agit en fin de compte que la justice, cette vieille institution venue du fond des âges, continue de conserver une éternelle jeunesse, afin d’offrir au peuple ivoirien, au nom de qui elle est rendue et dont la confiance et le respect, parce qu’ils fondent sa légitimité lui sont indispensables, le visage souriant et resplendissant de l’avenir, et continue d’être cette belle dame, souvent critiquée, surtout par des amants éconduits, mais toujours courtisée parce que toujours attrayante.


Je vous remercie.