OUVERTURE DE LA CAMPAGNE 2008 DE COMMERCIALISATION DU CAJOU EN COTE D'IVOIRE

Le Premier ministre Guillaume Soro a procédé, le vendredi 27 févier 2008 à Korhogo, à l'ouverture de la campagne 2008 de commercialisation du cajou en Côte d’Ivoire. Ci-dessous son discours intégral à cette occasion.

Monsieur le Ministre des Infrastructures Economiques, M. Patrick Achi ;
Monsieur le Ministre de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, M. Dosso Moussa ;
Monsieur le Président du Conseil Général ;
Monsieur le Préfet de la région des Savanes ;
Messieurs les membres du Corps Préfectoral ;
Mesdames et messieurs les élus ;
Mesdames et messieurs les Directeurs centraux ;
Mesdames et messieurs les autorités des Forces Nouvelles ;
Populations de Korhogo ;
Mesdames et messieurs ;

Je voudrais commencer d’abord par saluer au nom du gouvernement, les Préfets, Sous-préfets, les Secrétaires généraux de préfecture qu’on oublie souvent, pourtant ils jouent un rôle important dans le dispositif. Je voudrais les saluer parce qu’ils sont là en pionniers. Je me souviens à l’époque, quand on disait aux Préfets, Sous-préfets et Secrétaires généraux de préfecture qu’ils devaient être redéployés dans les zones Centre, Nord et Ouest, ce n’était pas évident. Il y a eu beaucoup de péripéties, et au-delà de la question du devoir et de la responsabilité, il y a eu un aspect volontariste que je voudrais saluer. On leur avait parlé de problèmes de sécurité, des difficultés qu’ils auraient à travailler dans ces régions. Au-delà des questions sécuritaires, il y avait des questions de logistique pour ces autorités afin qu’ils viennent travailler. Ils ont accepté de venir dans ces régions quelques fois sans le minimum. Mais ils sont venus parce qu’ils aiment leur pays, parce qu’ils sont conscients qu’il faut qu’on sorte la Côte d’ivoire de la situation de guerre. Je sais aussi que la nation ne manquera pas d’être reconnaissante à ces pionniers. Je sais qu’ils ont des problèmes…, mais je leur demande de tenir le coup et de maintenir le cap. Je sais que ce n’est pas facile parce qu’ils n’ont pas la plénitude de leur autorité, mais je leur demande d’être des pédagogues, des hommes d’expérience pour travailler. Les choses vont aller, évoluant jusqu’à ce qu’on arrive à la normalisation complète. Il faut qu’ils sachent que nous les soutenons, que le gouvernement est avec eux.

En ma qualité de Premier ministre et aussi de Secrétaire général des Forces nouvelles, je peux encore parler aux autorités des Forces nouvelles pour que leurs rapports avec les Préfets, Sous-préfets et Secrétaires généraux de Préfecture soient des rapports emprunts de cordialité. Et je suis convaincu que nous allons y arriver, mais je demande aussi aux populations de s’impliquer, aux élus et cadres de ces régions de s’impliquer pour que l’Etat continue de s’installer, de se renforcer. C’est bon pour nous-mêmes, c’est bon pour les populations, c’est surtout la base du développement. Je voudrais solennellement vous le demander. Je me rendrai tout à l’heure à la résidence du Préfet pour me rendre compte moi même de l’effectivité des travaux de réhabilitation déjà accomplis. Car il faut qu’on réhabilite les bureaux et les résidences.

Je sais que l’occasion qui nous réunit c’est la première journée du cajou, mais c’est une question qu’on ne peut pas dissocier de la question globale du développement. Aujourd’hui, nous sommes venus pour poser des actes de développement et du bien-être des populations. Tout à l’heure je serai avec le Ministre Patrick Achi pour réaliser une promesse faite par le Chef de l’Etat ici. Mais je voudrais parler de l’ambiance générale dans le pays.

Bientôt ça fera un an que j’ai été désigné Premier Ministre, mais plus tôt le 04 mars cela fera un an que nous avons signé un accord politique à Ouagadougou. Je vois tout ce qui se dit dans la presse, mais je veux être serein et regarder avec beaucoup de lucidité les actions que nous avons menées à la tête du gouvernement depuis un an. Et je veux pouvoir le dire aux ivoiriens, sans prétention ni vanité.

Quand j’ai été nommé Premier Ministre, certains doutaient de mes capacités à gérer un gouvernement. Beaucoup avaient parié que quelques mois après ma prise de fonction, mon incompétence notoire allait faire disjoncter le gouvernement. J’ai entendu beaucoup de méchancetés et de dénigrements, mais il me fallait tenir le bout parce que je savais où j’allais.

Déjà, avoir un bilan à présenter un an après à la tête du gouvernement, je ne dis pas que c’est une satisfaction triomphaliste, mais je suis satisfait que des choses soient faites. On ne peut pas dire qu’on n’a rien fait. On ne peut pas dire que rien ne s’est passé après un an. Il suffit d’interroger les opérateurs économiques pour voir le frémissement qu’il y a, pour voir l’apaisement général qu’il ya dans le pays, pour voir aussi les investissements que l’Etat a fait et pour voir les réalisations que nous sommes en train de mener.

Nous avons travaillé. Nous avons travaillé des nuits et des nuits d’insomnie pour rendre en réalités concrètes un accord que nous avons signé. L’année 2007 a été une année difficile sur le plan personnel. J’avais des décisions importantes à prendre avec tout ce que cela comporte comme risque de se tromper gravement. Mais aussi le risque de ne pas décider et de rester dans l’immobilisme qui tue. Nous avons décidé de nous assumer. Nous avons pris nos responsabilités, pas à la légère parce que 2007 a été une année éprouvante. Nous avons failli laisser notre peau dedans. Quelqu’un me disait une fois, que celui qui a vu le lion rugir et celui qui l’a entendu rugir, n’ont la même réaction.

Malgré l’attentat du 29 juin, nous avons continué de travailler. C’est pour cela que je demande aussi aux Préfets de continuer, de prendre courage. Nous avons tout entendu. D’abord, quand j’ai été nommé, des esprits malins, passés dans l’art de diviser et de détruire, ont approché des chefs militaires et leur dire que j’ai trahi la lutte. Simplement parce que j’ai accepté d’être Premier ministre. Mais je pense que mon avènement à la primature est un peu tardif.

A titre de rappel, je voudrais dire qu’à Marcoussis, nous étions cinq à décider du gouvernement de transition. Il y avait le Président Jacques Chirac de la France, Koffi Annan, Secrétaire général de l’Onu, Omar Bongo, président du Gabon, Laurent Gbagbo lui-même et moi. Le principe était que je propose un Premier ministre. J’ai proposé Dacoury Tabley. C’est quand son nom a été rejeté que je me suis proposé comme candidat pour être Premier ministre. Mais ma candidature a été refusée.
Je suis présentement Premier ministre de Côte d’Ivoire à la suite de négociations.

Ensuite quand en 2005, on a voulu nommer un Premier ministre, suite au départ de Seydou Diarra, nous avons estimé à l’époque que pour aller vite, il fallait un partage équilibré du pouvoir entre les ex-belligérants. Et pour ce faire, il fallait que le Secrétaire général des Forces Nouvelles soit le Premier ministre. Je l’ai expliqué, mais je n’ai pas été entendu. Mais ce n’est pas un tort de ne pas avoir été entendu. Et l’Union Africaine nous a proposé de choisir un Premier Ministre par loterie. Il y avait une liste de Premier ministres et les formations politiques devraient choisir le Premier ministre. J’étais le seul à être le premier voté par trois partis politiques. Obasanjo, en sa qualité de Président de l’Union Africaine m’a déconseillé ce poste. Je lui ai répondu que si c’est pour l’intérêt de la Côte d’Ivoire, je suis d’accord. Donc je ne vois pas la primature en termes de promotion personnelle. Il m’a remercié et c’est à la suite des discussions à Lagos et à Port Harcourt que Charles Konan Banny a été désigné Premier Ministre.

Que ceux qui veulent nous diviser arrêtent. J’ai trahi quoi et qui ? Qu’on me le dise. J’assume ma responsabilité. Comment, moi, je suis suffisamment grand et bon pour aller devant le TPI si les choses dérapent, et je ne suis pas suffisamment grand et bon pour être Premier ministre de Côte d’Ivoire ?

Quand le Président Laurent Gbagbo est allé voir le président Compaoré pour le dialogue direct, j’ai consulté tout le monde et puis j’ai accepté. Nous avons eu un accord qui est disponible sur Internet. Lisez le et dites moi si l’accord politique de Ouagadougou est bon pour la Côte d’Ivoire ou pas. Je suis là pour appliquer un accord, je vais l’appliquer et les choses vont avancer. Et depuis que nous avons signé l’accord, des choses se font. Ne sommes nous pas en train de délivrer des jugements supplétifs dans les campagnes, les villages et villes ? Aujourd’hui, plus de 300000 jugements supplétifs ont été délivrés. Les Préfets sont avec vous mais nous ne nous sommes pas contentés de cela seulement. Sur le plan militaire, les choses avancent et de plus en plus, nous voyons le général Bakayoko et le Général Mangou ensemble. Mais la preuve qu’il y a un rapprochement entre les forces militaires, c’est la visite du Chef de l’Etat à Korhogo, Ferkessédougou, Boundiali et Tengréla. Qui pouvait l’imaginer ? Allons donc à la Paix.

Il ya des gens qui aiment le jeu de massacre. Ils veulent créer des tensions. Nous sommes allés à Ouagadougou parce que nous avons tout essayé auparavant. Nous avons essayé la guerre, les bombardements, des tentatives d’assassinat de part et d’autre. C’est parce que personne n’a réussi à assassiner l’autre que nous sommes assis là. Et c’est pour cela que nous sommes partis à Ouagadougou. Arrêtons cela. Allons doucement. Que chacun s’engage dans le sens de la paix. Que les journalistes nous aident à aller à la paix.

Nous aimons les faux débats. Je trouve la question du désarmement avant les élections ou les élections avant le désarmement suffisamment idiote. Lisez l’accord de Ouagadougou. Personne n’a dit qu’il ne voulait pas de désarmement. Ces faux sujets sont de nature à créer des tensions inutiles. La vraie question est de savoir, quelles sont les dispositions qui seront prises pour assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire et donner la confiance à l’ensemble des ivoiriens au point d’aller aux élections. Nous tous, voulons que le désarmement se fasse et nous travaillons à cela. Qu’on prépare les élections et qu’on prépare le désarmement. Et que ces processus avancent. Je ne suis pas là pour commenter les propos des leaders politiques parce que ce débat n’est pas juste. Il faut sortir de la logique des préalables parce que l’accord de Ouagadougou ne met aucun préalable. L’accord que j’ai signé parle de confiance. Parce que tout est possible quand il y a la confiance.

Les mêmes qui viennent dire ici que Soro a trahi, iront dire à Gbagbo que Soro est en train de l’endormir. Gbagbo et moi, nous nous connaissons avant tout ça. Arrêtons ces jeux de couloir et allons aux élections. Allez convaincre les populations dans les campements, dans les villages pour voter pour vous et laissez nous travailler pour ramener la paix. Le désarmement est en train de se faire. Les deux forces ont commencé le regroupement.

Le vrai problème de notre pays, c’est qu’on soit solidaires pour créer les conditions du développement. Nous avons commencé des discussions avec la Banque mondiale et le FMI où nous devons rembourser 118 milliards de francs Cfa. Nous devons au total à la Banque mondiale et au FMI, plus de 4500 milliards. Nous devons le rembourser parce que la Côte d’Ivoire s’est endettée. Et avec cette dette, si nous n’avons pas un programme avec la Banque mondiale et le FMI, se sont des générations et des générations qui vont travailler pour rembourser ces dettes. Et c’est cette somme qui sera effacée si nous sommes éligibles au programme PPTE. Il faut savoir que la Côte d’Ivoire n’est pas considérée comme un pays pauvre, mais un pays intermédiaire. Et le problème du gouvernement c’est de réussir ces jours-ci à rembourser cette dette et commencer à avoir du souffle pour s’occuper d’autres choses. Donc aidez nous à faire ça. Il y a des enjeux importants, il faut qu’on nous accompagne dans cette difficile tâche que nous sommes en train d’accomplir. Et justement pour lier tout cela au développement ; il faut qu’il y ait cette sérénité et moi je veux qu’on aille à des élections. A des élections irréprochables. Nous allons nous donner les moyens d’aller à des élections et le gouvernement à commencé déjà à travailler. Le groupe Sagem a été désigné et nous lui avons transmis le cahier de charge. La convention va être signée avec Sagem et nous allons commencer les opérations d’identification et d’enrôlement pour aller aux élections. Donc il faut nous encourager à faire ça.

On a le sentiment que des personnes ne veulent pas qu’on sorte de cette situation. Les populations souffrent, il n’y a plus d’eau. A Korhogo, à Bouaké, à Abidjan même il n’y a plus d’eau. Il ne faut pas qu’on se perde dans les débats politiques et laisser les populations mourir de soif et de faim ; ce n’est pas ça la responsabilité. En définitive, on se demande si c’est la population qu’on aime ou si son pouvoir qu’on aime.

Les avantages (l’eau, le réseau routier) dont la Côte d’Ivoire bénéficiait sont en train de sombrer. Ici, (Korhogo) la filière coton est sinistrée. L’anacarde aussi. Qui s’occupe des populations ? C’est pour cela, lorsque je recevais hier (jeudi, ndlr) une délégation du FMI, je leur ai dit qu’il faut qu’on nous aide. Il ne faut pas que les populations se sentent abandonnées. (…) Il faut que quelque chose soit fait pour que les populations suivent. La vraie réconciliation, la vraie paix, c’est quand les populations ont à manger. Quand les populations ont de l’eau, ont des routes. Et je voudrais féliciter le ministre Achi pour le travail qu’il fait…

Et je ne comprends pas qu’à cause de la plume d’un journaliste, on vous traite de tous les noms alors que nous nous battons vraiment, que nous sommes sincères, que nous voulons avancer, que nous voulons aller à des élections pour que le développement de ce pays soit relancé.

L’axe Bouaké-Mankono est en train d’être refait, il est presque terminé, ainsi que la route Boundiali Odienné. Aucun journaliste ne va sur ce terrain pour dire ce qui est en train d’être fait là-bas. Les journalistes donnent-ils vraiment l’information aux populations ? Mais chaque jour, quand nous regardons la presse, nous avons l’impression que le pays va bruler.

En tout cas, nous invitons les populations à faire confiance au gouvernement. Nous allons continuer de travailler dans la probité. Je suis un homme de conviction et ce n’est pas 2002 qui m’a révélé aux Ivoiriens. Avant cela, on me connaît déjà pour mes prises de positions. Ma position est très claire, ferme. Je suis venu pour appliquer un accord, faire des élections démocratiques, transparentes irréprochables. Celui qui gagne dirigera le pays et nous, on s’en va. Sur cela, je ne tergiverse pas, je n’aime pas être à gauche ni à droite, je préfère être moi-même.

Des problèmes de racket ont été posés ici. C’est juste parce que ce n’est pas ici seulement qu’on me le dit. Je suis informé et nous allons agir là-dessus. Nous avons eu au niveau du gouvernement un problème de moyens, mais nous allons améliorer cela. La sécurité ira en s’améliorant quand le contexte lui-même va évoluer positivement. Mais en mars et avril, nous allons agir là-dessus. J’ai demandé au Ministre Dosso de passer pour sensibiliser les gens. Il y aura la phase de la sanction. Il y a des moments, lorsque voulez prendre des décisions, on vous dit qu’il y aura des tirs çà et là, mais nous ne pouvons pas accepter non plus de nous laisser prendre en otage. Quand pendant le mois de décembre il y a eu quelques poussées de fièvres à Bouaké et que quelqu’un m’a appelé pour m’en informer, je lui ai répondu qu’il fallait s’attendre à ces genres de situations. Parce que plus on avancera, plus on aura à faire à des révoltes. Le tout n’est pas de faire face à ces révoltes, mais le tout est de se demander si l’on s’est préparé pour faire face à ces révoltes. Nous allons avancer et vous entendrez encore des tirs. Mais j’ai dit quelque part que quand c’est dur, seuls les durs avancent. Nous allons avancer parce que nous voulons qu’il y ait la paix. Donc nous allons agir sur le racket. Parce que ce sont les mêmes populations qui souffrent des rackets. Vous voyez que le travail est énorme. Lorsque je vais agir sur le racket, il faudra que les populations soient sereines et nous aident. Je sais aussi que ce sera le moment pour les esprits aigres et malins d’essayer d’intoxiquer, de désinformer. Mais la vie est ainsi faite, chacun doit faire son métier sachant, son travail. Et moi je ferai le mien pour le bonheur de la Côte d’Ivoire.

Je voudrais rassurer les opérateurs économiques, les parents aussi. J’ai demandé qu’il y ait une réduction importante sur ces tarifs incohérents. Souvent j’en ai honte, mais c’est mon pays, c’est notre situation. Il ne s’agit pas que je me contente d’en avoir honte, il s’agit que je prenne des mesures correctives et c’est ce que j’essaie de faire. C’est pourquoi on m’a demandé d’annoncer le prix du kilogramme de la noix cajou. Je me suis bien rassuré auprès du ministre Dosso sur le prix pour ne pas que l’on achète le produit à un prix moins que ce qui a été annoncé.

Le prix bord champ de la noix de cajou est de 200 francs le kilogramme. Et c’est sur ces mots que je déclare ouverte la campagne 2008 de commercialisation du cajou en Côte d’Ivoire. Je vous remercie.