RENCONTRE ENTRE LE PREMIER MINISTRE ET LA PRESSE NATIONALE ET INTERNATIONALE


INTERVENTION INTEGRALE DE CHARLES KONAN BANNY

Allocution de Monsieur le Premier ministre à l’occasion de la présentation de vœux des journalistes

INTERVENTION INTEGRALE DE CHARLES KONAN BANNY


Allocution de Monsieur le Premier ministre à l’occasion de la présentation de vœux des journalistes



Notre ami Guillaume Gbato nous a rappelé opportunément que l’année 2006 a été une année éprouvante pour la corporation que vous représentez.



Je crois que ce rappel à notre mémoire nous oblige à un devoir de mémoire et de reconnaissance. Je voudrais donc, avant tout propos vous demander d’observer une minute de silence et d’avoir une pensée pieuse pour tous nos frères de la presse qui nous ont quittés.



Que leurs âmes reposent en paix, je vous remercie.



- Madame et Messieurs les Ministres,



- Mesdames et Messieurs les Présidents des organes de régulation et d’autorégulation de la Presse et de l’Audiovisuel,



- Mesdames et Messieurs les Directeurs généraux et les Directeurs centraux,




- Chers amis journalistes,




- Mesdames et Messieurs,




Je vous remercie des vœux que vous venez de m’adresser à l’occasion de la nouvelle année.




Même si l’échange de vœux est considéré comme une convention à laquelle chacun est tenu de se soumettre, dans une société organisée, a dit l’un d’entre vous l’accent des propos que vous avez tenus m’ont persuadé que vous n’êtes pas motivés que par la seule contrainte des circonstances, mais aussi, je le crois par le sentiment que bien des choses nous ont unis et nous unissent.




Il m’est arrivé, bien des fois au cours de l’année écoulée, de me retrouver au milieu de certains d’entre vous pour évoquer, avec eux et souvent avec beaucoup d’entre vous, les problèmes des diverses corporations auxquelles vous appartenez. Chaque fois, il m’a semblé que de nos échanges sont nés des fruits qui laissaient percer le désir d’évolution de nos médias nationaux.




En vous rencontrant la semaine dernière, notre charmante Ministre déléguée chargée de la Communication a rappelé les progrès accomplis au cours de l’année 2006. Ces progrès, vous les avez vous-mêmes reconnus. C’est un pas important dans les progrès que nous devons accomplir vers la normalisation des relations entre votre profession et son administration de tutelle. Je ne peux que m’en réjouir.




A votre suite, permettez- moi de formuler à votre intention mes souhaits les plus profonds et mes attentes pour l’année 2007.




Mesdames et Messieurs,




Je souhaite très sincèrement que cette année 2007 soit l’année de l’amélioration significative de votre statut et de votre condition. Je voudrais qu’elle voie la mise en œuvre de tous les actes signés par l’Etat, des actes qui vous concernent, afin qu’en retour, les engagements qui viennent d’être pris ici même afin qu’en retour vous honoriez, sans rien laisser de côté, tous les engagements que vous avez pris vis-à-vis de nos concitoyens.




Le Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé de l’Economie et des Finances, vous avez remarqué que je suis entouré par les deux Ministres délégués, m’a demandé de vous dire qu’il fait un cadeau. Evidemment sous mon impulsion. Il m’a demandé de vous annoncer d’ores et déjà que le fonds de développement à la presse sera doté d’une somme d’au moins 1 milliard. Par profession, j’aime les promesses tenues. Je veillerai à ce que cela soit traduit dans les faits. D’autant que je suis en même temps Ministre de l’Economie et des Finances, ce n’est pas rien ! Donc vous pouvez considérer que là, une avancée majeure vient d’être faite. Je songe tout particulièrement au respect de la dé-on-to-lo-gie qui régie vos différents corps de métier, en un mot, à votre inscription dans l’œuvre de restauration de la Côte d’Ivoire sur la base de la paix que, tous, nous appelons de nos vœux.




J’ai entendu bien des fois des promesses de la part des responsables que vous êtes. Et, si l’on peut reprocher parfois à certains hommes politiques de promettre plus qu’ils ne peuvent tenir, je ne souhaiterais pas qu’il soit dit de vous que vous pouvez vous aussi vous conduire et vous comporter de la même manière.




Permettez-moi, chers amis, de vous redire ce que j’espère que votre rôle dans la Côte d’Ivoire en crise doit être ! Si vous avez des droits, et tant que citoyens vous en avez, si vous avez des droits comme tous les citoyens et si vous devez jouir d’une liberté sans entraves dans l’exercice de votre profession, vous devez aussi convenir que nul droit ne va sans la contrepartie : les devoirs. Les devoirs me paraissent encore plus importants, quand la situation du pays l’exige et c’est le cas de notre pays.




Le premier devoir auquel vous astreint le secteur d’activité que vous avez choisi, c’est le devoir d’informer, le devoir de bien informer vos concitoyens ! En les informant comme il convient, vous leur donnez les outils pour assumer intégralement leur citoyenneté.




Mais bien informer, me semble-t-il, ne signifie pas diffuser, sans aucune précaution, des informations. Vous savez mieux que moi. Je vous le redis ! Au revers de votre liberté se trouve la responsabilité. C’est au filtre de votre responsabilité de professionnels que vous êtes tous que doit passer la liberté dont vous jouissez. Eh bien je vous assure, je veux bien être garant parce que en cette matière, que l’on touche à la liberté et Banny se rebelle ! La liberté est le bien le plus précieux. Tant que je serai là, tant que je serai Ministre de la Communication, tant que je serai citoyen en Côte d’Ivoire où que ce soit, je veillerai à ce que ce pays soit un pays de liberté. Vous devez donc, ainsi que vous vous y êtes maintes fois engagés, prendre votre place, toute votre place dans le train de la paix et de la réconciliation.




Travailler pour la paix, aider à tracer les sillons de la paix, ce n’est pas renoncer à votre liberté ! Ce n’est pas non plus brider la liberté d’expression ! C’est vous refuser à amplifier les échos dévastateurs, c’est refuser de vous prêter à la manipulation délibérée des informations pour faire comme on dit vulgairement pour faire du chiffre ou même pour faire plaisir à un financier ou un responsable politique dont vous partageriez l’opinion et la vision.




Mesdames et Messieurs,




Le service de la Côte d’Ivoire est un service jaloux ; il requiert une forme d’exclusivité et surtout ce service requiert l’honnêteté. L’honnêteté requiert également de la transparence et de la responsabilité. Chaque fois que vous mettrez l’accent sur les motifs de discorde, chaque fois vous tairez les raisons d’espérer, au point que vous apparaissez comme des gens qui veulent assassiner l’espoir, on s’attristera du peu d’intérêt que vous prenez à l’éradication de la crise qui perdure trop longtemps à notre goût à tous.




Savez-vous que la paix revenue, la Côte d’Ivoire ne sera pas immédiatement guérie ? Mais vous savez aussi qu’aucune guérison de la Côte d’Ivoire n’est perceptible tant que la paix ne sera pas là. Qu’est-ce à dire ? La paix revenue, il faudra à la Côte d’Ivoire subir une longue convalescence au cours de laquelle vous, hommes des médias, devrez encore, plus encore peut-être qu’aujourd’hui apporter votre précieux concours. Je ne vous invite pas à parler la langue de bois, je ne sais pas la parler moi-même, mais je vous exhorte à placer l’exercice de votre métier sous le double sceau de la liberté et de la responsabilité.




Plaise au ciel que les organes de régulation et d’autorégulation dont vous vous êtes librement dotés ne servent que très peu, parce que justement, il y aura peu de manquements à relever. Je souhaite ardemment, qu’à l’instar de tous les Ivoiriens, vos plumes, vos paroles et vos images contribuent à tracer les sillons de la paix ! Bonne et heureuse année 2007 à toutes et à tous, dans la paix retrouvée !




Permettez-moi à présent de saisir l’occasion de notre rencontre pour m’adresser, à travers vous, à mes frères et sœurs ivoiriens, à toute la Nation qui voit en vous des porteurs de messages de paix. M’adressant à vous, à vous mes compatriotes je pense à chacun de nos compatriotes. Je forme pour eux des vœux de paix, des vœux de santé des vœux de bonheur.




Je songe à cet instant précis tout particulièrement au premier d’entre eux, d’entre nous, je songe au chef de l’Etat qui est aux prises avec des événements toujours sérieux et dans des conditions difficiles. Je lui souhaite santé, je souhaite courage dans l’accomplissement de sa lourde mission, de sa lourde tâche, car en vérité, gouverner, administrer un pays, un pays de surcroît en crise n’est pas chose aisée.

Mes voeux s’adressent aussi à l’ancien Président de la République, le Président Henri Konan Bédié, à l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara et tous les anciens Premiers ministres ; je pense à Daniel Kablan Duncan, je pense à Pascal Affi N’guessan, je pense à mon grand frère Seydou Diarra. Je pense aussi à tous ceux qui ont servi avec dévouement et abnégation notre pays, la Côte d’Ivoire.




Toute la classe politique ivoirienne, à commencer par les leaders des formations politiques qui oeuvrent et qui concourent inlassablement au retour de la paix, je pense à eux également. Je souhaite qu’eux aussi reçoivent mes vœux.




Je pense à l’ensemble des chefs, des chefs traditionnels, de nos rois et chefs traditionnels. Je pense à eux, je pense à ceux dont la conscience aiguë amène à rechercher de nouvelles bases de stabilité pour nos sociétés déstructurées par le jeu des intérêts partisans. Je leur présente mes vœux de bonheur.




Mes pensées vont vers notre jeunesse, la jeunesse ivoirienne désemparée. Mes pensées vont vers les femmes, les femmes ivoiriennes auxquelles nos luttes insensées aussi bien insensées qu’intestines font payer un lourd tribut.




Je n’oublie pas les forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue de notre territoire national, ces forces de défense que l’on sacrifie quelques fois sur l’autel de causes incompréhensibles.




Cela étant, je pense surtout à vous, Ivoiriennes et Ivoiriens ordinaires, nous les hommes ordinaires comme on dit, c’est à vous que j’adresse mes vœux les plus fervents.




Mais quels vœux souhaiter quand on sait qu’aujourd’hui, un Ivoirien sur deux n’a pas accès à l’eau potable, qu’un élève sur 3 en âge d’être scolarisé ne trouve pas de classe, que des centaines de milliers d’Ivoiriens ont perdu leur emploi, et que 4 jeunes sur 5 qui finissent leur études n’ont aucune certitude d’emploi et n’ont aucune perspective de fonder une famille dans la dignité, que des millions de foyers ne peuvent se permettre qu’un repas par jour. Vous convenez avec moi que tout cela ne ressemble pas à la Côte d’Ivoire, et pourtant ! Tout cela est intolérable, tout cela est inacceptable.




Quels vœux souhaiter à ce peuple qui est meurtri dans sa chair, sinon le vœu que vous avez tous formé ici, sinon le vœu de paix.

Sans la Paix, aucun des problèmes que j’ai évoqués, aucuns de ces problèmes qui sont à mon sens les vraies questions, aucun de ces problèmes ne peut trouver de solution.




L’essentiel est effectivement là.




C’est dans le refus d’accepter cette descente aux enfers comme une fatalité que je trouve personnellement le courage de continuer ma mission. Et soyez assurés que mon engagement ne s’arrêtera pas tant que durera ce drame que les Ivoiriens ne méritent pas.




C’est pour arrêter tout cela, et au nom du respect du droit à la vie, que tous les arrangements et tous les accords doivent être trouvés immédiatement pour lever les derniers blocages vers une sortie de crise durable. Car après avoir tant souffert, le tout n’est pas de sortir, mais d’en sortir durablement.




Aujourd’hui, on peut dire avec certitude que le gouvernement a abattu un travail colossal dans la mise en œuvre de la feuille de route. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour adresser mes vives et sincères félicitations à tous mes collaborateurs Ministres.




En effet,

- Tous les préparatifs concernant le démarrage de la pré-identification, à quelques réglages près, sont terminés ;

- En ce qui concerne l’identification, l’opérateur qui assistera le gouvernement dans les opérations d’identification et de recensement électoral est connu après un processus d’appel d’offre et le choix définitif sera opéré incessamment après que nous ayons discuté, je dirai, achevé les discussions financières comme le code des marchés publics nous l’exige. Il peut achever ses travaux dans un délai de 7 mois ;

- Les opérations de redéploiement de l’administration ont connu des avancées spectaculaires que nul ne peut nier dans les domaines de l’éducation, dans le domaine de la santé publique. Par ailleurs, le redémarrage prochain des opérations financières et bancaires dans les zones CNO doivent être considérées par les populations ivoiriennes, comme la pierre angulaire d’un retour à une vie normale dans notre pays ;


- Les travaux de réhabilitation des réseaux d’eau potable sont en cours sur l’ensemble du réseau national avec l’aide de l’union européenne, et les programmes d’entretien routier devraient reprendre dès le mois prochain sur le territoire national. Suivez l’actualité et vous verrez. Je dois d’ailleurs dire à cet effet que je regrette que le vaste programme de couverture nationale par la Radio et la Télévision que vous avez évoqué et que nous avons mis en œuvre, je regrette que les avancées spectaculaires de ce programme aient connu quelques retards sinon marquent le pas.




En ce qui concerne tout particulièrement le dialogue, ah le dialogue ! Qu’est-ce que ce mot est beau ici ! A Yamoussoukro dans la bouche, dans ma bouche, qu’est-ce que cela doit être compris par les Ivoiriens comme méthode de consécration de ce que j’ai toujours souhaité et plaidé ! Car en fait, j’en ai fait, vous le savez, mon credo dès ma prise de fonction. Deux mots ont été prononcés : Confiance et dialogue. J’ai privilégié le dialogue interne, j’ai appelé cela l’appropriation par les Ivoiriens de leur propre problème par le dialogue. J’ai formé pour arriver à cette conclusion que toutes les réunions tournaient autour de la Côte d’Ivoire et que tous nos leaders politiques acceptaient de se réunir partout ailleurs sauf en Côte d’Ivoire. Quel paradoxe ! Dans ces conditions là j’ai privilégié le dialogue interne en initiant les rencontres des leaders dites désormais, connues mondialement désormais comme Rencontres de Yamoussoukro. Jugez-en tous. Le précédent Secrétaire général Kofi Annan a tenu à venir lui aussi un instant être partisan, faire partie de ce dialogue, de ce qu’on appelle les Rencontres de Yamoussoukro. Il était ici au mois de juillet dernier. Ces rencontres ont permis des avancées importantes jusqu’au blocage que nous avons constaté à l’occasion de la concertation organisée et présidée par le Président de l’Union africaine le Président Denis SASSOU N’GUESSO qui était aussi une version des Rencontres de Yamoussoukro en Abidjan.




Toutefois, je reconnais que ces efforts pour le dialogue, moyen, instrument par ce dialogue. Je reconnais que ces efforts bien qu’importants n’ont pas encore conduit au règlement intégral de toutes les questions en suspens, en particulier la question de la pré-identification et surtout les questions militaires.




Sur la question de la pré-identification, j’ai décidé de lever les dernières entraves à une avancée plus rapide en permettant, en complément du nouveau dispositif portant le nombre de juridiction à 208, la prise d’une ordonnance qui étendra la compétence des juges dans la délivrance des certificats de nationalité sur le ressort territorial de leurs juridictions.




La question militaire est certainement celle au sujet de laquelle, je me félicite le plus de la nouvelle initiative de dialogue telle qu’annoncée par le Chef de l’Etat sous la médiation du Président Blaise Compaoré.




En effet, ce nouveau dialogue devrait être de nature à offrir de plus grandes chances de succès aux questions qui concernent plus directement le Chef suprême des armées des FAFN et le Chef suprême des armées des FANCI. En d’autres mots deux personnes le Président Laurent Gbagbo, Chef suprême des FANCI et Soro Kigbafori Guillaume, Chef des FAFN. Mon espoir est que cette rencontre permette d’aboutir à un désarmement rapide et total des forces militaires et paramilitaires au Nord comme au Sud et permettre ainsi les conditions d’une avancée globale du processus de sortie de crise, en assurant la liberté totale de circulation de nos compatriotes ainsi que leur sécurité.




Mes chers amis,




Voyez-vous, nous avons de bonnes raisons d’espérer en cette année 2007. Les jeunes, souvenez-vous au mois d’août ont pris l’engagement de renoncer définitivement à la violence. Ils ont tenu parole jusqu’à présent. Pour ma part, je réitère mon engagement de placer au-dessus de tout, l’action qui doit redonner à la Côte d’Ivoire son lustre d’antan.




Si les hôpitaux soignent à nouveau les malades, si la construction des écoles reprend, si les Ivoiriens ont accès à l’eau potable, si enfin pour ne pas continuer à égrener les secteurs dans lesquels nous avons des choses à faire, si enfin au total, la croissance économique reprend grâce à notre effort commun, nous ramenons la paix, si nous achevons l’identification, si nous organisons des élections justes, libres et transparentes, la Côte d’Ivoire sera sortie de la crise et cela, à mon avis, de façon durable.




Tels sont les vœux que je forme pour notre beau pays. Je suis persuadé que vous partagez ces vœux là et partagerez mes convictions et que tous ensemble, je dis bien tous ensemble nous irons vers la paix. La survie de notre pays en dépend. La Côte d’Ivoire est riche de ses femmes, de ses jeunes, de ses hommes qui savent se surpasser quand cela est nécessaire. Cela est nécessaire aujourd’hui.




Vive la Côte d’Ivoire !




Je vous remercie.